Rentrée scolaire 2021-2022 : tout ce qu'il faut savoir pour bien accompagner votre enfant

Harcèlement à l’école : donnez-lui les clés pour se défendre

Publié par Catherine Marchi, psychologue et coach  |  Mis à jour le par Antoine Blanchet

La cour de récré est une mini-jungle où certains enfants se font chahuter plus que d’autres. Si on ne peut pas encore parler de véritable harcèlement en maternelle, il est important d’aider les plus vulnérables à faire face à la violence des autres. Conseils d’une pro pour l’aider à s’imposer.

Comment aborder le harcèlement en maternelle ?

Moqueries, isolement, griffures, bousculades, tirages de cheveux… le phénomène du harcèlement scolaire n’est pas nouveau, mais il prend de l’ampleur et inquiète de plus en plus les parents comme les enseignants. Même l’école maternelle n’est pas épargnée, et comme le souligne la thérapeute Emmanuelle Piquet  : « Sans aller jusqu’à parler d’enfants harcelés à cet âge-là, on constate que ce sont souvent les mêmes qui se font pousser, piquer leurs jouets, mettre par terre, tirer les cheveux, voire mordre. Bref, il y a certains tout-petits à qui il arrive des soucis relationnels fréquents. Et s’ils ne sont pas aidés, cela risque de se reproduire en primaire ou au collège. »

Mon bébé est harcelé à l’école. Attention, j’ai envie de mordre !

Pourquoi mon enfant se fait harceler ?


Contrairement aux idées reçues, ça peut arriver à n’importe quel enfant, il n’y a pas de profil-type, pas de victime pré-désignée. La stigmatisation n’est pas liée à des critères physiques, mais plutôt à une certaine vulnérabilité. Les autres enfants repèrent vite qu’ils peuvent exercer leur pouvoir sur celui-là.

Comment reconnaître le harcèlement scolaire ?

Contrairement aux plus grands, les tout-petits se confient facilement à leurs parents. En rentrant de l’école, ils racontent leur journée. Le vôtre vous dit qu’on l’embête à la récré ?N’éludez pas le problème en lui disant que ce n’est pas grave, qu’il en verra d’autres, qu’il n’est pas en sucre, qu’il est assez grand pour se débrouiller tout seul. Un enfant que les autres importunent est fragilisé. Écoutez-le, montrez-lui que vous vous intéressez à lui et que vous êtes prête à l’aider s’il a besoin de vous. S’il constate que vous minimisez son problème, il risque de ne plus rien vous dire, même si la situation s’aggrave pour lui. Demandez-lui des précisions pour avoir une idée claire de ce qui se passe : Qui t’a embêté ? Comment ça a commencé ? Qu’est-ce qu’on t’a fait ? Et toi ? Peut-être votre enfant est-il passé à l’offensive le premier ? Peut-être est-ce une querelle ponctuelle liée à un incident précis ?

Ecole maternelle : la cour de récréation, un lieu de disputes

La cour de récré de l’école maternelle est un défouloir où les tout-petits doivent apprendre à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Les disputes, les bagarres et les confrontations physiques sont inévitables et utiles, car elles permettent à chaque enfant de trouver sa place dans le groupe, d’apprendre à respecter les autres et à se faire respecter en dehors de la maison. A condition bien sûr que ce ne soit pas toujours les plus grands et forts qui dominent et les plus petits et sensibles qui subissent. Si votre enfant se plaint plusieurs jours de suite d’avoir été brutalisé, s’il vous dit que personne ne veut jouer avec lui, s’il change de caractère, s’il rechigne à aller à l’école, une extrême vigilance s’impose. Et si la maîtresse confirme que votre trésor est un peu isolé, qu’il n’a pas beaucoup de copains et qu’il a du mal à se lier et à jouer avec les autres enfants, vous n’êtes plus face à une difficulté, mais à un problème qu’il va falloir résoudre.

Harcèlement scolaire : éviter de le surprotéger

Évidemment, le premier réflexe des parents voulant bien faire est de voler au secours de leur enfant en difficulté. Ils vont disputer le vilain garçon qui lance le ballon dans la tête de leur chérubin, attendent la méchante fille qui tire les beaux cheveux de leur princesse à la sortie de l’école pour la sermonner. Ce qui n’empêchera pas les coupables de recommencer le lendemain. Dans la foulée, ils s’en prennent aussi aux parents de l’agresseur qui le prennent mal et refusent d’admettre que leur petit ange est violent. Bref, en intervenant pour régler le problème à la place de l’enfant, au lieu d’arranger les choses, ils prennent le risque de les aggraver et de pérenniser la situation. Selon Emmanuelle Piquet : « En désignant l’agresseur, ils font de leur propre enfant une victime. C’est comme s’ils disaient à l’enfant violent : « Vas-y, tu peux continuer à lui piquer ses jouets quand on n’est pas là, il ne sait pas se défendre ! » L’enfant agressé reprend quant à lui à son compte son statut de victime "Vas-y, continue à me bousculer, je ne sais pas me défendre seul !"

Rapporter à la maîtresse ? Pas forcément la meilleure idée !

Le deuxième réflexe fréquent des parents protecteurs est de conseiller à l’enfant de se plaindre immédiatement à un adulte : « Dès qu’un enfant t’embête, tu cours le dire à la maîtresse ! » Là encore, cette attitude a un impact négatif, précise la psy : « Ça donne à l’enfant fragilisé une identité de rapporteur, et tout le monde sait que cette étiquette est très mauvaise pour les relations sociales ! Ceux qui rapportent à la maîtresse sont mal vus, celui ou celle qui déroge à cette règle perd considérablement de sa “popularité” et ce, bien avant le CM1. »

Harcèlement : ne pas foncer directement chez l'enseignant

 

La troisième réaction habituelle des parents, persuadés d’agir au mieux dans l’intérêt de leur enfant malmené, est de signaler le problème à la maîtresse : « Certains gamins sont violents et pas sympas avec mon petit en classe et/ou à la récréation. Il est timide et n’ose pas réagir. Surveillez ce qui se passe. » Bien entendu l’enseignante va intervenir, mais du coup, elle va elle aussi confirmer l’étiquette de “petite chose fragile qui ne sait pas se défendre toute seul et qui se plaint tout le temps” aux yeux des autres élèves. Il arrive même que les plaintes et les sollicitations à répétition l’agacent prodigieusement et qu’elle finisse par lui dire : « Arrête de venir toujours te plaindre, débrouille-toi tout seul ! » Et même si la situation se calme un moment parce que les enfants agressifs ont été punis et qu’ils redoutent une autre sanction, les agressions reprennent souvent dès que l’attention de la maîtresse faiblit.

En vidéo : Harcèlement scolaire : l'interview de Lise Bartoli, psychologue

Comment aider un enfant victime de harcèlement scolaire ?

 

Heureusement, pour les petits que les autres embêtent, la bonne attitude pour régler définitivement le problème existe. Comme l’explique Emmanuelle Piquet : « Contrairement à ce que de nombreux parents pensent, si on évite tout stress à ses poussins, on les rend encore plus vulnérables. Plus on les protège et moins on les protège ! Il faut se mettre à leurs côtés, mais pas entre eux et le monde, les aider à se défendre eux-mêmes, à se débarrasser de leur posture de victime une bonne fois pour toutes ! » Les codes de la cour de récré sont clairs, les problèmes se règlent d’abord entre enfants et celui qui ne veut plus qu’on l’embête doit s’imposer et dire stop. Pour ça, il a besoin d’un outil pour faire une parade à l’agresseur. Emmanuelle Piquet conseille aux parents de construire avec leur enfant "une flèche verbale", une phrase, un geste, une attitude, qui l’aideront à reprendre le contrôle de la situation et à sortir de la position du "recroquevillé/plaintif". La règle, c’est se servir de ce que fait l’autre, de changer de posture pour le surprendre. C’est pour ça que cette technique s’appelle le "judo verbal".

Harcèlement : l'exemple de Gabriel

Le cas du très joufflu Gabriel (3 ans et demi) en est un parfait exemple. Salomé, sa copine de crèche, ne pouvait s’empêcher de pincer très fort ses belles joues rondes. Les assistantes maternelles lui ont expliqué que ce n’était pas bien, qu’elle lui faisait mal, elles l’ont punie. A la maison, les parents de Salomé aussi la grondaient à cause de son comportement agressif envers Gabriel. Rien n’y faisait et l’équipe a même envisagé de la changer de crèche. La solution ne pouvait pas venir de Salomé, mais de Gabriel lui-même, c’est lui qui devait changer d’attitude ! Avant même qu’elle ne le pince, il se mettait à avoir peur, et après, il pleurait. On lui a mis le marché en mains : « Gabriel, soit tu restes une guimauve qui se fait pincer, soit tu te transformes en tigre et tu rugis fort ! » Il a choisi le tigre, il a rugi au lieu de pleurnicher quand Salomé s’est jetée sur lui, et elle a été tellement surprise qu’elle a arrêté net. Elle a compris qu’elle n’est pas toute-puissante et n’a plus jamais pincé Gabriel le tigre.
Dans les cas de harcèlement, il faut aider l’enfant agressé à renverser les rôles en créant un risque. Tant que l’enfant agresseur n’a pas peur de l’enfant agressé, la situation ne change pas.

Le témoignage de Diane, maman de Melvil (4 ans et demi)

"Au début, Melvil était content de sa rentrée des classes. Il est en double section, il faisait partie des moyens et était fier d’être avec les grands. Au fil des jours, son enthousiasme a nettement baissé. Je le trouvais éteint, beaucoup moins joyeux. Il a fini par me dire que les autres garçons de sa classe ne voulaient pas jouer avec lui à la récréation. J’ai interrogé sa maîtresse qui m’a confirmé qu’il était un peu isolé et qu’il venait souvent se réfugier auprès d’elle, car les autres l’embêtaient ! Mon sang n’a fait qu’un tour. J’en ai parlé à Thomas, son père, qui m’a appris que lui aussi avait été harcelé quand il était en CM1, qu’il était devenu le souffre-douleur d’une bande de petits durs qui l’appelait Tomate en se moquant de lui et que sa mère l’avait changé d’école ! Il ne m’en avait jamais parlé et ça m’a énervée car je comptais sur son père pour apprendre à Melvil à se défendre. Du coup, j’ai proposé à Melvil de suivre des cours de sport de combat. Il a tout de suite été d’accord car il en avait marre d’être bousculé et traité de minus. Il a testé le judo et ça lui a plu. C’est une amie qui m’avait donné ce bon conseil. Melvil a vite pris de l’assurance et même s’il a un gabarit de crevette, le judo lui a permis d’acquérir la confiance en sa capacité de se défendre. Le prof lui a appris à faire face à son éventuel agresseur, bien ancré sur ses jambes, à le fixer droit dans les yeux. Il lui a appris qu’il n’est pas nécessaire de donner des coups pour avoir le dessus, qu’il suffit que les autres sentent que l’on n’a pas peur. En plus, il s’est fait de nouveaux copains très sympas qu’il invite à venir jouer à la maison après le cours. Ça l’a sorti de son isolement. Aujourd’hui, Melvil retourne à l’école avec plaisir, il est bien dans sa peau, il n’est plus embêté et joue avec les autres à la récréation. Et quand il voit que des grands font tomber un petit ou lui tire les cheveux, il s’interpose car il ne supporte pas la violence. Je suis hyper fière de mon grand garçon !"

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