Vaccins : faut-il s’en méfier ?

Publié par Christine Avellan  |  Mis à jour le par

Ils sont accusés de tous les maux : responsables de douleurs, d’effets secondaires, voire de déclencher des maladies, les vaccins sont régulièrement pointés du doigt. Pourtant, ils sont indispensables pour protéger les tout-petits. On fait le point.

Les vaccins sont-ils dangereux ?

Le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) a publié la suspension de sa recommandation de vacciner tous les nourrissons de moins de 6 mois contre les gastro-entérites à rotavirus. Pour rappel, cette décision avait été prise en 2014 dans le but de réduire le nombre d’hospitalisations pour gastro-entérites aiguës, limitant par la même occasion le risque de contracter une infection nosocomiale. Mais après le décès de deux bébés dans les suites de l’administration du vaccin, l’autorité de santé a préféré revenir sur sa recommandation. Le problème, c’est qu’un tel changement de cap ne serait pas sans conséquences sur l’image des vaccins. Et certains médecins craignent que cela jette encore un peu plus le doute sur leurs bénéfices. Même si, aujourd’hui, près de 80 % des Français sont favorables à la vaccination – ils n’étaient que 61% en 2010* – et que seulement 2 % sont défavorables à toutes les vaccinations, les vaccins sont régulièrement au cœur de débats virulents comme la prouve la dernière polémique sur la pétition du Professeur Joyeux. Et les peurs persistent.

Des polémiques à répétition

Ainsi, au cours des années 60 à 80, on a dit que le vaccin contre la coqueluche favoriserait la mort inattendue du nourrisson (MIN). « Une fausse rumeur, explique le Pr Joël Gaudelus, car il a depuis été démontré que le couchage sur le ventre était la cause principale de ces décès, et qu’il n’y avait aucun lien entre vaccin et MIN. Il a même été montré que la MIN était moins fréquente chez les nourrissons très bien vaccinés. » Autre affaire qui a fait du bruit à la fin des années 90 : le ROR, accusé de provoquer l’autisme. Or, cette rumeur n’est fondée sur aucune preuve scientifique. D’ailleurs, depuis une dizaine d’années, de nombreuses études dans différents pays ont innocenté ce vaccin. Sans parler des polémiques autour des vaccins contre l’hépatite B qui augmenterait le risque de sclérose en plaques, ou la récente mise en cause du vaccin contre les papillomavirus. Tous ces exemples soulignent à quel point les vaccins sont souvent montrés du doigt. Et ce n’est pas facile de s’y repérer. Bien plus, face à ces craintes, certains parents font parfois un choix radical : ne pas faire vacciner leur enfant, même avec le DTPolio (Diphtérie-Tétanos-Poliomyélite). Or ce vaccin est obligatoire en France pour toute inscription dans une collectivité. En cas de non-présentation du justificatif de cette vaccination, l’enfant est exclu des structures d’accueil. Certains parents se retrouvent même devant les tribunaux pour tenter de faire reconnaître leur libre arbitre en matière de vaccination. Mais pour l’instant, ces familles n’ont pas eu gain de cause. Précision : la France est l’un des derniers pays européens à maintenir la distinction entre vaccin. « recommandé» et «obligatoire». Du coup, ça crée une confusion, car pour certains, cela signifie que les  « recommandés » ne seraient pas indispensables. « Bien au contraire, ces vaccins sont tout aussi importants », répond le Pr Gaudelus. Pour éviter la confusion, un projet européen vise d’ailleurs à supprimer cette distinction. Dans les pays où ça a été fait, le taux de couverture vaccinale est aussi bon, voire même parfois meilleur. Il n’en reste pas moins qu’avoir des craintes sur la vaccination est tout à fait légitime. Les composants sont-ils sans risques ? Avons-nous suffisamment de recul ? La législation est-elle assez stricte ? Autant de questions qui restent souvent sans réponse. 

Les vaccins sont testés, leur innocuité confirmée

Pourtant, le système de surveillance semble tout de même bien rodé. « Il faut savoir qu’avant d’être mis en vente, un vaccin doit obtenir une autorisation de mise sur le marché donnée par l’Agence européenne du médicament (EMA). Cela implique que des études sur des dizaines de milliers de personnes ont été effectuées », précise le spécialiste. Puis, une fois commercialisé, il existe tout un système de pharmacovigilance : les médecins signalent tout effet indésirable survenant après un vaccin. Si de nombreux cas sont signalés, l’Agence nationale du médicament (ANSM) lance une étude épidémiologique et peut retirer le vaccin de la vente. « Et même si comme pour tout médicament, il y a des risques, cela ne leur fait pas perdre leur intérêt qui est de sauver des vies et de protéger les plus jeunes de maladies potentiellement graves », ajoute le Dr Gaudelus. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les vaccins sauvent de 2 à 3 millions de vies chaque année. La vaccination permet également d’éradiquer des maladies comme la variole, qui a été éliminée au niveau mondial. On espère qu’il en sera bientôt de même pour la polio. Mais, tout cela prend du temps, car pour que la maladie disparaisse, il faut qu’un certain nombre de personnes soient vaccinées ! Par exemple, pour la rougeole, la couverture vaccinale doit être de 95 %, or en France, chez les enfants de 2 ans, elle atteint 92 % pour la première dose, et seulement 66 % pour la deuxième dose. 

Couverture vaccinale : la France peut mieux faire

Cependant, le dernier état des lieux de la couverture vaccinale chez les plus petits est tout de même encourageant. Pour la première fois, plus de 90 % des nourrissons de 6 mois ont reçu au moins une dose de vaccin contre l’hépatite B. Concernant le pneumocoque, plus de 95 % des nourrissons de moins de 6 mois ont reçu au moins une dose. Si les progrès en matière de vaccination sont nets chez les bébés, en revanche du côté des enfants plus âgés, les résultats sont moins convaincants. Notamment concernant la couverture vaccinale contre le méningocoque, encore très insuffisante. « Ce vaccin contre la méningite (c’est une inflammation des méninges, les membranes qui protègent le cerveau et la moelle épinière) est encore trop souvent considéré comme superflu », ajoute le médecin. Or, même si dans la majorité des cas, les enfants guérissent en quelques jours quand les méningites sont virales, cette maladie ne doit pas être prise à la légère. Car lorsqu’il s’agit de méningites liées à une bactérie, notamment au pneumocoque ou au méningocoque C, ça peut donner lieu chez le bébé à des complications et des séquelles invalidantes. La meilleure des préventions reste donc de faire vacciner les enfants, contre le pneumocoque et l’haemophilus influenzae de type b et contre le méningocoque C. Quant à la couverture vaccinale des adultes, elle est loin d’être optimale. Pourtant, elle joue un rôle important dans la protection des tout-petits. C’est ce qu’on appelle la pratique du «cocooning  » et c’est la principale solution pour limiter l’exposition aux virus des bébés qui ne sont pas encore vaccinés. Cela est particulièrement vrai pour la coqueluche, dont le vaccin ne se fait qu’à 2 mois, et pour la rougeole et la rubéole, puisque le ROR ne se fait qu’à 12 mois, puis une deuxième dose entre 16 et 18 mois. 

Tous les vaccins ne sont pas utiles

Mais si les bénéfices des vaccins sont évidents, pas question de tomber non plus dans l’excès inverse en voulant se faire vacciner contre tout. Certains vaccins ne sont pas utiles pour tous les enfants. Par exemple, celui contre la varicelle n’est pas nécessaire pour les jeunes enfants en l’absence de recommandation médicale. Ça peut paraître étonnant, mais si on ne vaccine pas suffisamment de personnes pour éliminer complètement la maladie, le virus continue à circuler : on risque alors de contracter la maladie à un âge plus avancé, avec plus de complications neurologiques. Et on peut aussi faire un zona plus tôt, car il s’agit du même virus. 

Balayer les idées reçues

Utile ou non, il n’en reste pas moins que de nombreuses idées reçues circulent autour de la vaccination. Certains parents sont parfois tentés de penser qu’il vaut mieux que leur enfant soit immunisé par la maladie que par le vaccin. On pense à la mode américaine des  « varicelle parties » , au cours desquelles on réunit un enfant atteint de varicelle et d’autres sains pour qu’ils attrapent la maladie et échappent ainsi à la vaccination ! Cette méthode a cependant ses limites, car en contractant certaines maladies – rougeole ou coqueluche par exemple –, il existe des risques de complications ou de séquelles. Alors qu’avec un vaccin, il n’y a pas ces
 désagréments. De plus, l’immunité acquise par la maladie n’est pas meilleure que celle obtenue par la vaccination. D’ailleurs, contrairement à une idée reçue, les vaccins n’affaiblissent pas le système immunitaire. Au contraire, ils le stimulent. Le principe de la vaccination est d’injecter des fragments de virus ou de bactérie très atténués pour ne pas déclencher la maladie, mais qui vont permettre à l’organisme de développer des anticorps. Ainsi, le système immunitaire saura se défendre si un jour il y est exposé.
Autre idée reçue : on ne peut pas vacciner les bébés dès les premiers mois. « Faux, assure le médecin. En général, c’est à 2 mois que les premières injections sont conseillées. » C’est important de respecter ce timing et ne pas trop le repousser, car certaines maladies sont plus graves chez les tout-petits, comme la coqueluche, qui peut être mortelle. Or, en faisant une première injection à 2 mois, on réduit de moitié le risque de l’attraper. Dans certains cas, les bébés peuvent même être vaccinés dès la naissance. Si la mère est porteuse du virus de l’hépatite B, on peut vacciner le nouveau-né tout de suite après l’accouchement. Idem pour le BCG – contre la tuberculose – si l’enfant est considéré à risque, c’est-à-dire s’il réside dans une région très touchée comme certains départements d’Ile-de-France, ou si l’un des parents est originaire d’une région du monde où la tuberculose est plus fréquente, comme l’Europe centrale, l’Asie, l’Afrique…
Côté pratique, il n’y a aucun inconvénient à administrer plusieurs vaccins en même temps, et ce serait même plus efficace pour produire des anticorps que s’ils sont administrés un à un. Le fait d’opter pour un « cocktail » permet aussi de réduire le nombre de piqûres. Car l’injection de certains vaccins fait plus mal que d’autres, sans que l’on sache pourquoi. Pour soulager le tout-petit, donnez-lui le sein, le biberon ou sa tétine : de nombreuses études montrent que la succion aide à réduire la sensation de douleur. Les patchs anesthésiants peuvent être utilisés.
Enfin, autre fausse idée : il y aurait beaucoup de contre-indications à la vaccination. « Ces contre-indications sont très rares, assure le Pr Gaudelus. Il s’agit essentiellement d’allergies graves  à l’un des composants. Par ailleurs, une maladie bénigne comme une rhino n’est pas une contre-indication, mais généralement, le médecin préfère différer la vaccination car l’enfant n’est pas au meilleur de sa forme.» Après l’injection, sachez que votre enfant peut avoir de la fièvre. Comme son système immunitaire est stimulé et qu’il fabrique des anticorps, cela peut provoquer une légère hausse de la température dans les 24 à 48 heures. Une exception cependant avec le vaccin contre la rougeole : la fièvre peut se déclarer dans les 7 à 12 jours qui suivent car il y a une période d’incubation plus longue. Votre enfant peut également avoir un peu mal à l’endroit de la piqûre, et présenter des petites rougeurs ou un gonflement. Il est souvent aussi plus irritable et a plus de difficultés à dormir. Pas d’inquiétudes : tout va rentrer dans l’ordre en quelques jours. 

*Baromètre santé de l’Inpes, 2014.

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