Circoncision dans la religion : pourquoi circoncire son enfant ?

Publié par Elodie-Elsy Moreau  |  Mis à jour le par Marion Bellal

Pour une raison religieuse, ou pour tout autre raison, il est possible que vous envisagiez de faire circoncire votre enfant. Quelles sont les origines religieuses de cette pratique ? Est-ce douloureux pour un enfant ? Existe-t-il des bienfaits ou des risques pour sa santé ? Nos réponses.

En France, en 2008, 14 % des hommes se déclaraient comme circoncis, tandis que, dans le monde, selon l'OMS, en 2009, 30 % des hommes le seraient. Si beaucoup le sont pour des raisons religieuses (religions juive et musulmane), cela peut aussi être le cas pour une raison médicale.

En quoi consiste la circoncision ? À quoi sert-elle ?

La circoncision consiste en l'ablation totale ou partielle du prépuce sur le pénis, soit en la diminution de la surface de muqueuse de la zone sexuelle. Il s'agit donc d'un acte chirurgical, qui a pour but d'enlever toute la peau du prépuce, jusqu'au sillon situé à la base du gland. Elle est effectuée pour des raisons religieuses, culturelles ou médicales. Dans ce dernier cas, on l'appelle posthectomie. 

Dans les pays où la circulation du VIH est élevée, il peut être proposé de recourir à la circoncision afin de réduire les risques de propagation. L'ONUSIDA a ainsi mis en place une campagne de sensibilisation, particulièrement dans des pays d'Afrique subsaharienne, à la suite d'études révélant que la circoncision réduit de 60 à 70 % les risques de transmissions du Sida. Elle diminuerait également les risques de cancer du pénis, de la prostate et du gland.

En France, lorsqu’elle est effectuée pour des raisons médicales, la circoncision est autorisée par le législateur. La circoncision rituelle l’est également, même s’il n’existe pas expressément de jurisprudence sur le sujet. Néanmoins, avant de recourir à l’opération, le chirurgien ou la chirurgienne doit avoir l’autorisation des deux parents, au risque d’être sanctionné.e.

En théorie, l’État peut porter plainte si les parents ou un tiers non-médecin, comme un rabbin ou un imam, a pratiqué la circoncision. L’enfant circoncis peut également porter plainte, une fois adulte, s'il estime que cet acte, qui est irréversible, a porté atteinte à son libre-arbitre. Un des deux parents peut également porter plainte contre l’autre parent s’il estime que la circoncision a été effectuée contre son gré.

Allemagne : une décision de justice qui avait fait le buzz

En juin 2012, le tribunal de grande instance de Cologne a assimilé l’ablation du prépuce à une blessure passible de poursuites judiciaires. Six mois plus tard, le Parlement allemand a finalement voté une loi autorisant la circoncision religieuse des garçons, à condition que l'opération respecte un cadre médical professionnel.

Est-ce que ça fait mal pour notre enfant de se faire circoncire ?

Réalisée sous anesthésie locale, la circoncision entraîne une douleur minime au niveau de la zone opérée, et, surtout, temporaire. La gêne peut être apaisée avec des antalgiques pendant quelques jours. La circoncision occasionne des complications dans environ 2 % des cas : saignements, douleurs, infection de la plaie, voire, plus graves, déformations permanentes du pénis, obstructions du méat urinaire, infections généralisées.

L'opération dure en moyenne entre 15 et 30 minutes et est effectuée en ambulatoire.

Quel est l'âge jugé idéal pour une circoncision ?

Il n'y a pas d'âge idéal pour une circoncision. Dans la religion juive, elle est traditionnellement pratiquée le huitième jour après la naissance. Dans la religion musulmane, elle a lieu entre le septième jour après la naissance et les 13 ans.

Pour une raison médicale, une circoncision peut être préconisée à partir de 4 ou 5 ans, âge à partir duquel le phimosis, le rétrécissement de l'orifice du prépuce, ce qui gêne ou empêche sa rétraction, n'est plus physiologique. 

Circoncision : une pratique antique

La circoncision est pratiquée depuis l’Antiquité, soit bien avant l’apparition des premières religions monothéistes. Des statuettes retrouvées dans des régions aujourd'hui syriennes, datant de 3 000 ans avant notre ère, représentent des guerriers circoncis. De nombreux dessins rupestres de l’Égypte ancienne décrivent également cette pratique, alors effectuée avec un silex. Ce rite était répandu dans tout le Proche-Orient à l’époque des Phéniciens. Les prêtres en étaient également adeptes.

D'après le sexologue Gérard Leleu, dès son origine, la circoncision avait un aspect virilisant : « Le prépuce était considéré comme un fourreau féminin, dont il fallait se débarrasser, alors que le gland était l’affirmation de la virilité. »

La circoncision, combattue par les Grecs et les Romains

Circoncision a souvent rimé avec persécutions. Pratiquée par les Égyptiens, ce rite fut rejeté par plusieurs conquérants romains et grecs, qui l’assimilaient à une mutilation et à une castration. Or, dans la loi romaine, il était interdit de castrer les esclaves, au risque qu’ils perdent leur valeur marchande. Par ailleurs, chez les Grecs, la longueur du prépuce était liée à la fertilité. Lors de ses conquêtes, Alexandre le Grand fait donc diminuer le nombre de circoncis.

Plus tard, au IIe siècle avant Jésus-Christ, la circoncision est interdite par Antiochos IV, régnant au Proche-Orient. Conséquence : de nombreux juifs avaient recours à plusieurs opérations pour reformer leur prépuce. Mais, après plusieurs révoltes, les troupes d'Antiochos IV sont vaincues par les juifs. Le rite est de nouveau autorisé et les hommes de confession juive ont alors commencé à effectuer des ablations hautes, c’est-à-dire, à enlever plus de muqueuse que de peau, afin d'éviter les chirurgies réparatrices visant à reconstruire le prépuce.

La circoncision juive : un commandement du judaïsme

Dans le judaïsme, la circoncision est communément appelée « brit milah ». Ces deux mots signifient « alliance » et « coupure ». Le geste réfère à une alliance à Dieu, comme celle d’Abraham dans l’Ancien Testament : Dieu lui demande de se faire circoncire lorsqu’il est âgé de 99 ans. Il fera également circoncire ses fils, Ismaël, alors adolescent, et Isaac, peu après sa naissance. « Ce rite est donc un commandement dans la religion juive », explique Patrick Banon, chercheur associé à la chaire Management, Diversités & Cohésion sociale de l'Université Paris-Dauphine et spécialiste des religions.

Sauf avis médical contraire, la circoncision doit être effectuée huit jours après la naissance. La maman venant d’accoucher, c’est au père d’organiser la cérémonie. L’incision est le plus souvent effectuée par un Mohel expérimenté (circonciseur) ou un.e pédiatre. La position du bébé est aussi importante. Durant l’opération, la coutume veut que l’enfant repose sur les genoux du Sandaq, un « sage ». Généralement, il s’agit du grand-père paternel. Par ailleurs, les plus pratiquants effectueront la circoncision sur un siège spécifique : un haut fauteuil, appelé chaise du Prophète Elie.

La symbolique du sang

Dans le judaïsme, la circoncision est un rite sanglant, lié au serment. C’est aussi l’expression de la fertilité du garçon et une manière de le faire entrer dans la société. La circoncision fut aussi liée à la procréation : il s'agissait d'un rite agraire, où on versait le sang du circoncis sur les sols pour les fertiliser. « On peut faire un parallèle avec la femme, qui devient fertile avec les premières règles, estime Patrick Banon. Le sang qui coule lors de l’ablation du prépuce est plus que symbolique : s’il n’y en a pas, l’enfant n’est pas considéré comme circoncis et juif ».

La famille royale d'Angleterre et la circoncision

Pendant longtemps, la circoncision fut une tradition au sein de la famille royale d’Angleterre. Descendante du roi David, une monarque juif, la reine Victoria, fit circoncire ses garçons. La coutume s’est perpétuée jusqu’au prince Charles. La princesse Lady Diana, opposée à cette pratique, refusa de faire circoncire ses fils, William et Harry.

La circoncision musulmane : un héritage d’Abraham dans l’Islam

Très répandue dans le monde musulman, la circoncision, appelée « khitan », n’est pas une obligation dans l’Islam, contrairement à la croyance populaire. « Ce n’est pas un commandement, mais plutôt une incitation traditionnelle. Il s’agit de l’adhésion des textes judéo-chrétiens », souligne Patrick Banon. La circoncision est mentionnée dans plusieurs « hadiths » (textes retraçant la vie de Mahomet), mais pas dans le Coran.

Ce rituel a presque toujours été pratiqué dans le monde arabe. C’était un rite de passage à l’adolescence, qu'on effectuait en même temps que les fiançailles ou le mariage d’une sœur. L’acte étant douloureux, les populations ont, au fil du temps, réduit l’âge de l’opération.

On peut ainsi considérer que la circoncision actuelle dans le monde arabo-musulman est un mariage entre cette tradition ancienne et l’héritage d’Abraham, l’un des plus importants prophètes pour les musulmans. Dans la culture musulmane, les enfants sont en général circoncis entre 4 et 13 ans, avant la puberté. Néanmoins, en Iran par exemple, elle a lieu le plus souvent le jour même de la naissance.

La circoncision, abandonnée par les chrétiens

Assez marginale aujourd’hui dans la communauté chrétienne, la circoncision était autrefois très répandue. Jésus, juif de naissance, était circoncis. Et à l’époque, l’Église célébrait ce qu’on appelle le culte du Saint prépuce le 1er janvier, soit 8 jours après la naissance du Christ. Mais si l’on se réfère à la parole de saint Paul, cette pratique ne semble pas essentielle dans le christianisme : « La circoncision n’est rien, et l’incirconcision n’est rien : ce qui compte, c’est de garder les commandements de Dieu ».

Aujourd’hui, la circoncision est encore réalisée dans les Églises chrétiennes d’Égypte (coptes) et d’Éthiopie, parfois en même temps que le baptême. Les Chrétiens du Proche et du Moyen-Orient y sont toujours attachés. Cela s’explique surtout par la proximité avec des populations pratiquant ce rituel. 

Circoncision : et pour les couples mixtes ?

La question de la circoncision se pose également au sein des couples issus de différentes cultures ou religions. Pour Patrick Banon, ce sujet mérite une véritable discussion : « Dans un couple juif-chrétien, la circoncision peut être établie comme une option ouverte. Elle pourra faciliter l’entrée de l’enfant dans le judaïsme s’il souhaite suivre cette religion. En effet, on peut être chrétien et circoncis, mais pas juif et non-circoncis ».

« Au départ, la circoncision est un serment par épanchement du sang qui engage les générations suivantes. On s’engage soi, mais aussi sa descendance. Il faut avoir cela en tête. C’est un point important pour les couples mixtes », insiste le spécialiste. D’ailleurs, autrefois, il existait un culte dactylo-phallique dans les communautés méditerranéennes. Quand une personne portait serment, elle faisait couler le sang de son pouce pour montrer l’engagement de sa propre personne. Mais, en pratiquant la circoncision, cela signifiait qu’elle engageait aussi les générations futures.

XIXe siècle : la circoncision contre la masturbation

L’époque victorienne britannique fut marquée par un regain des circoncisions. En effet, dès la fin du XIXe siècle, l’Angleterre recommande de faire circoncire les garçons pour enrayer… la masturbation. Cette pratique était autrefois condamnée moralement et considérée comme un frein à la santé psychique et physique. Or, indique le sexologue Gérard Leleu, « après la circoncision, le gland devient moins sensible au contact des mains et l’homme met beaucoup plus de temps pour atteindre l’orgasme ».

La circoncision de nos jours

Au fil du temps, la circoncision s'est répandue dans la plupart des pays anglophones, comme aux États-Unis, notamment pour des raisons hygiéniques. En 1980, 80 % des Américains étaient circoncis. La circoncision est effectivement proposée dans la majorité des maternités américaines. En 2009, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 700 millions d’hommes, dans le monde, étaient circoncis. En France et en Europe, on compte 20 % de garçons circoncis. Patrick Banon souligne que « la circoncision n’est pas pratiquée uniquement pour des raisons religieuses ».

Ce rituel est désormais présent un peu partout dans le monde : dans certaines populations aborigènes d’Australie, dans certaines tribus d'Amérique du Sud, en Afrique, notamment chez les animistes... Il peut être effectué pour des raisons culturelles, médicales ou prophylactiques (en prévention de certaines maladies, notamment le VIH). Cette pratique est aussi souvent liée à une introduction dans la société, dans la sphère familiale, ou assimilée à un rite de passage, par exemple de l’enfance à l’âge adulte.

Par ailleurs, dans certaines tribus d’Afrique, « les garçons portant des étuis péniens les jettent à la mer lorsque le père décède, une sorte de circoncision à l’envers », constate le chercheur.

Comment soigner bébé après une circoncision ?

Après une circoncision, on laisse la compresse en place (enduite de lubrifiant) pendant 24 heures. Puis, pendant le rétablissement de l'enfant, on applique de la vaseline sur le bout de son sexe après la toilette et les changements de couches.

Il est possible qu'un hématome apparaisse, mais il faut être très vigilant vis-à-vis d'une potentielle infection au niveau de la cicatrice. Si l'enfant a de la fièvre, n'hésitez pas à consulter votre médecin ou pédiatre. De même, s'il souffre de saignements.

Cicatrisation : combien de temps pour cicatriser après une circoncision ?

La cicatrisation requiert donc des soins locaux pendant quelques jours, puis il faut patienter 2 à 4 semaines afin de ne plus ressentir de gêne. Les fils de suture tombent normalement d'eux-mêmes en quelques semaines. Si les douches sont possibles, les bains sont déconseillés avant la cicatrisation complète. Quant aux efforts, ils sont à éviter pendant un mois environ.

Opération d'une phimosis pathologique : la circoncision, un geste rare

Les phimosis pathologiques sont, le plus souvent, dus à des épisodes d’inflammation ou à des décalottages forcés, à l’origine de petites fissures cicatrisant sous forme de rétractions. On parle donc de phimosis pathologique chez l'enfant quand l’anneau préputial est étroit, épais et fibreux. Avant 5 ans environ, il est tout à fait normal que le bébé ait un phimosis. Toutefois, après cet âge, il reste assez rare de recourir à la circoncision puisque les corticoïdes permettent de traiter 80 % des phimosis pathologiques.

La chirurgie est donc réservée aux phimosis ayant résisté aux traitements locaux, mais également à certains cas particuliers : lorsqu’il y a un lichen scléro-atrophique (maladie dermatologique avec des zones blanchâtres et épaissies), lorsqu’il y a une rétention sous préputiale importante chez les nourrissons, ou après plusieurs infections ayant rendu les tissus très rigides.

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