La méningite sous l’objectif d’Anne Geddes

Publié par Elodie-Elsy Moreau  |  Mis à jour le par

A l’occasion de la Semaine européenne de la vaccination qui débutera le 22 avril prochain et de la Journée mondiale contre la Méningite qui se tiendra le 24 avril 2014, le collectif d’associations de patients « ensemble contre la méningite » lance une campagne de sensibilisation mondiale, baptisée « Protégeons  non enfants, protégeons notre avenir ». Artiste de renom, la photographe australienne Anne Geddes a collaboré à ce projet en photographiant des survivants du monde entier, ayant été frappés par la maladie. Nous avons eu l’honneur de rencontrer cette fervente défenseure des enfants.

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    Mackensie (Mackie)

    Mackensie (Mackie)

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    Harvey

    Harvey

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    Ellie et Sophie

    Ellie et Sophie

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    Danielle

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    Amber

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    Bernadette

    Bernadette

Anne Geddes : l’œil de la photographe sur la méningite

Qu’est-ce qui vous a donné envie de soutenir la Confédération d’organisations contre la méningite ?

Je photographie les bébés depuis trente ans. Depuis toutes ces années, je suis une défenseure et ambassadrice des enfants. Je suis engagée dans divers causes de lutte contre la maltraitance faites aux mineurs. Avoir été invitée à collaborer à ce projet correspondait donc à mes valeurs personnelles et à mon approche artistique. La Confédération, qui coordonne toutes les organisations nationales de lutte contre la méningite, est très utile dans les pays où j’ai pu me rendre pour photographier les rescapés de la maladie. Et elle a été aussi très efficace pour organiser les séances photos.
Au total, j’ai photographié 15 modèles : 3 en Australie,  6 en Grande-Bretagne, originaires d’Irlande, d’Espagne, d’Angleterre et d’Allemagne. Enfin à Toronto, en février dernier, j’ai rencontré 6 autres rescapés venant du Canada et du Brésil.

Connaissiez-vous cette maladie auparavant ? Etiez-vous touchée de près ou de loin par le méningocoque B ou C ?

J’ai deux filles, qui ont aujourd’hui 27 et 30 ans. Quand elles étaient petites dans les années 1980-90, nous vivions à Auckland, en Nouvelle-Zélande, et à ce moment-là, une épidémie de méningite B sévissait dans le pays. Comme les symptômes sont très proches de ceux de la grippe, et peuvent passer inaperçus, on en parlait beaucoup à la télé, il y avait beaucoup de publicités sur le sujet.  A chaque fois que les filles prenaient froid ou qu’elles avaient un souci de santé, j’étais, de suite, très inquiète.

Pour cette campagne contre la méningite, vous avez réalisé une collection de portraits d’enfants ayant les séquelles de la maladie : des amputations, des marques sur le corps… Quel message souhaitiez-vous faire passer à travers ces photos ?

La méningite frappant essentiellement les enfants et les adolescents, il était important d’avoir dans la série de portraits toutes les tranches d’âge. J’ai pu photographier des rescapés de la maladie âgés de 9 mois à 25 ans. Le plus jeune a été touché par le méningocoque à 4 mois. Il était important d’avoir un bébé afin de faire prendre conscience aux parents des risques pouvant toucher les nourrissons. A travers cette campagne, j’ai voulu transmettre plusieurs messages. Le premier : « sachez reconnaître les symptômes de la méningite ». C’est essentiel car c’est une maladie relativement rare et les signes sont proches de la grippe. Pourtant, il faut agir rapidement. J’ai envie de dire aux parents, vous connaissez vos enfants mieux que personne, et c’est ça qui va vous faire reconnaître les symptômes.
Deuxième point que je souhaitais mettre en avant : « vérifiez avec votre docteur que votre enfant est à jour dans ses vaccinations ». D’ailleurs, en réalisant ces portraits, je me suis aperçue que ce projet était aussi une manière d’informer les médecins. La majorité d’entre eux ont du mal à identifier les signes de la maladie ou n’ont jamais vu d’enfants atteints par la méningite, pourtant cette maladie peut être fatale soudainement.

Certains rescapés sont aussi photographiés avec leurs frères et sœurs valides…

Oui, c’était important pour moi d’avoir des modèles avec leur famille. Celle-ci, qui soutient les malades et s’occupe d’eux au quotidien, est essentielle pour la reconstruction. Je voulais montrer que la maladie impacte la vie des victimes mais aussi celle de leurs proches.
Et puis, c’était très intéressant de voir les interactions entre frères et sœurs et de voir que les enfants, même malades, restent des enfants.

Quelle a été votre plus belle rencontre ?

C’est difficile de choisir mais je dirais Harvey. Il a 8 ans. Durant notre rencontre, je lui ai demandé qui était son meilleur ami. Il m’a répondu un dauphin, lui aussi amputé de la queue, qui a une fausse nageoire.
Une semaine après la séance photos, il m’a écrit une lettre en m’expliquant que pour la première fois de sa vie, il était fier de ses amputations. Pour moi, ce fut fantastique.

Le grand public vous connaît surtout pour vos photos poétiques de nourrissons.  Ici, vous montrez la cruauté de la maladie et l’innocence des enfants, tout en gardant votre touche artistique et romantique. Etait-ce un travail plus difficile à réaliser, émotionnellement notamment ?

C’est vrai que l’on m’associe souvent à ces images de bébés mis en scène dans un pot de fleurs. Mais pendant trente ans, j’ai fait beaucoup d’autres choses. Néanmoins, avant de débuter ce projet, j’ai mené, pendant quelques semaines, une réflexion sur la manière dont j’allais ressentir les choses, comment j’allais présenter ces images, quelle unité j’allais trouver à ces modèles venant de différents pays.
Il fallait livrer un message choc sans pour autant que les images le soient. Le public ne doit pas détourner le regard. Finalement, cela n’a pas été difficile à réaliser puisque les gens que j’ai photographié étaient tellement beaux et courageux. C’est l’un des projets les plus importants que j’ai pu faire jusqu’à présent.
Au quotidien, on voit tant d’images d’enfants affamés, maltraités pour des causes fondamentales, mais les photos illustrent le malheur. J’ai voulu montrer que leur état ne les définie pas. Ils ne se résument pas à leur amputation et restent magnifiques.

Une façon de faire bouger les choses en montrant la réalité d’une autre manière, en somme ?

C’est en tout cas ce que j’essaie de faire. Toutes les familles ont accepté délibérément de se faire prendre en photo dans l’objectif que cela n’arrive plus jamais et que cela puisse profiter à d’autres. L’ironie de cela, c’est qu’on ne saura pas combien d’enfants on aura sauvé…

En France, le vaccin contre le méningocoque C est recommandé dès 12 mois. Celui contre le méningocoque B, Bexsero, est disponible depuis décembre 2013. Mais il n’est recommandé que sur les territoires et les populations à risque par le Haut conseil de la santé publique, car des incertitudes subsistent. Quel est votre point de vue sur la question ?

Je suis bien sûr une défenseure de la vaccination mais ce n’est pas moi de m’ingérer dans les politiques nationales. Je n’ai fait que photographier des survivants de 15 pays.  
Mon travaille en tant qu’artiste c’est de faire passer le message. L’idée est en fait de dire, « comment pouvez-vous hésiter à vacciner vos enfants après avoir vu ces images ? ».

Ce n’est pas la première fois que vous vous engagez pour la cause des enfants. Vous avez aussi été ambassadrice pour les Nations-Unies. Parlez-nous-en.

En effet, je suis ambassadrice pour le mouvement « Shoot a life », dont l’objectif est d’approvisionner les pays en voie de développement en vaccins. Il faut savoir qu’un enfant meurt d’une maladie qui pourrait être prévenue par le vaccin toutes les 20 secondes. Mon rêve en tant que photographe serait d’aller dans tous ces pays et de faire avec ces enfants un travail similaire à celui contre la méningite. Et faire des photos qui dénotent vraiment avec les images que l’on peut voir d’habitude dans les reportages.
 
 

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