A quoi sert le test de Guthrie ?

Publié par Marie de Laitre  |  Mis à jour le par Antoine Blanchet

Ce test, réalisé depuis plus de 40 ans en France, permet le dépistage de graves maladies chez les nouveau-nés. En quoi consiste-t-il ? Comment se déroule-t-il ? Fait-il souffrir bébé ? On vous dit tout sur le test de Guthrie.

 

Définition : le test de Guthrie, qu'est ce que c'est ? Quelle fiabilité ?

Le test de Guthrie est un test de dépistage effectué directement après la naissance du nourrisson. Il va permettre de détecter un certain nombre de maladies rares et de potentiels handicaps chez le nouveau-né. Ce dépistage néonatal permet ainsi une prise en charge rapide afin d'éviter de potentielles lésions causées par les maladies détectées. Les maladies détectées sont la mucoviscidose, la drépanocytose, la phénylcétonurie, l'hypothyroïdie congénitale et l'hyperplasie congénitale des surrénales.

Le test de Guthrie pour bébé est-il obligatoire ? Pourquoi le faire ?

Dans les 3 jours après la naissance de bébé, avant de quitter la maternité, le pédiatre va vous demander l’autorisation de réaliser le test de Guthrie. Ce test est non obligatoire, vous pouvez évidemment le refuser, mais selon le Professeur Michel Roussey, pédiatre au CHU de Rennes et président de l’AFDPHE*, un non-consentement ne serait pas très judicieux. Pourquoi ? Parce qu’il permet de détecter de graves maladies qui, si elles ne sont pas prises en charge dès la naissance, sont incurables et entrainent d’importants retards mentaux et/ou physiques. En 2011, il y a eu 100% de dépistage chez les nouveau-nés, (seuls 100 parents sur 840 000 l’ont refusé). L’aspect financier ne doit pas vous bloquer : le test est entièrement remboursé par l’assurance maladie, vous n’aurez rien à payer !

Phénylcétonurie, drépanocytose... Quelles maladies à la naissance sont dépistées par le test de Guthrie ?

Les maladies dépistées sont aujourd’hui au nombre de 5. Les parents ne se savent pas forcément porteurs du gène d’une de ces graves et rares maladies. Elles sont donc indétectables à la naissance si une analyse de sang n’est pas faite. Les diagnostiquer permet de traiter immédiatement le bébé. Il échappe ainsi au handicap et peut avoir une vie totalement normale.

- La phénylcétonurie : la 1ère dépistée par le test. Elle touche une naissance sur 15000. C’est l’absence d’une enzyme qui empêche de transformer la phénylalanine contenue dans pratiquement tous les aliments. Elle provoque une arriération mentale en quelques mois si elle n’est pas prise en charge. Détectée à la naissance, elle peut être contrée en faisant suivre à l’enfant un régime pauvre en phénylalanine le plus tôt possible.
- L’hypothyroïdie congénitale : concernant 1 enfant sur 4000, elle entraine un retard mental lié à une insuffisance d’hormones thyroïdiennes. Une fois diagnostiquée, il suffit de compenser ce manque d’hormones par la prise orale quotidienne d'hormones thyroïdiennes.
- La 3ème maladie ajoutée est l’hyperplasie congénitale des surrénales. Touchant 1 naissance sur 18000, elle peut notamment être responsable d'un décès rapide par déshydratation dès la 2ème semaine de vie de l'enfant. Elle est prise en charge en mettant l’enfant sous hormones surrénaliennes.
- La drépanocytose : altération de l’hémoglobine qui a pour rôle de transporter l’oxygène dans le sang. Elle expose alors l’enfant à toutes sortes d’infections qui entrainent de fortes complications.
- et depuis 2002, la mucoviscidose est ajoutée au test : bien que cette insuffisance pulmonaire ne dispose pas d’un traitement pouvant la guérir complètement, elle est tout de même dépistée car une fois diagnostiquée, une prise en charge immédiate permet d’améliorer l’espérance et la qualité de vie de l’enfant.

Pourquoi limiter le test au dépistage de ces 5 pathologies ? Des critères ont été mis au point, afin de ne pas s’égarer dans les dépistages inutiles de maladies que la médecine ne pourrait guérir. Les conditions :

- la maladie est un important problème de santé
- la médecine dispose d’un traitement pour traiter la maladie.
- le protocole de ce traitement est bien défini.
- le malade est reconnu à un stade pré-symptomatique, quand la maladie ne s’est pas encore déclarée.
- l’histoire naturelle de la maladie, c'est-à-dire son évolution, est comprise.

Si une nouvelle pathologie doit être ajoutée au test, elle doit absolument remplir ces conditions, afin de ne pas poser de problèmes éthiques. Seule la mucoviscidose fait exception à la règle : son dépistage a fait l’objet de longues discussions. On ne peut en guérir mais elle fait tout de même partie du test. Le fait de pouvoir grandement améliorer la qualité de vie de l’enfant, une fois la pathologie diagnostiquée, a permis de l’inclure au test de Guthrie.

Technique : comment s'effectue le test de Guthrie ?

Avant la sortie de la maternité, quand le nouveau-né est âgé de 3 jours, on pratique une petite incision dans son talon et 5 gouttes de sang sont prélevées. En prenant en même temps un petit biberon d’eau sucrée, le bébé ne ressent aucune gêne. Cette manière de procéder évite de faire une prise de sang. En effet, seules quelques gouttes suffisent. Elles sont ensuite disposées à des endroits précis sur un papier buvard. Une fois séché, ce papier rempli au nom de l’enfant est envoyé à l’association régionale chargée du dépistage et transmis au laboratoire d’analyse. L’adage « pas de nouvelles, bonne nouvelle » se vérifie ici car si vous n’avez pas de retour, c’est que bébé n’a aucune maladie !

Que faire si le dépistage néonatal est positif ?


A l’inverse, si le test se révèle positif, un médecin vous contactera afin de faire des examens complémentaires. Un traitement adapté à votre nourrisson sera rapidement mis en place, lui permettant de grandir de la manière la plus normale possible.

Vers un test de Guthrie élargi…

Et si ce test permettait de dépister plus de 50 pathologies ? On entend beaucoup parler d’un test de Guthrie élargi. C’est le cas dans plusieurs pays aujourd’hui, comme en Autriche qui dépiste déjà 29 pathologies différentes. Une innovation technologique permet cet élargissement : la spectrométrie de masse en tandem. Une seule goutte de sang suffit désormais à détecter 50 nouvelles pathologies rares. En France, la Haute Autorité de Santé (HAS) a accepté le principe. Les laboratoires doivent désormais se procurer les appareils capables de réaliser ces analyses. Cependant, le professeur Michel Roussey estime qu’il n’est pas dans la philosophie de Guthrie de dépister un maximum de maladies. « Il faut que le dépistage serve à quelque chose insiste-t-il. Si on ne peut guérir une maladie dépistée, quelle est l’utilité du test ? ». Autre question plus éthique soulevée par le pédiatre : ce test doit servir à l’enfant, et non à la famille. S’il est ouvert à 50 pathologies dont seulement un petit nombre sont « curables », une question se pose : servira-t-il uniquement à l’enfant ou se servira-t-on de l’enfant pour détecter une pathologie familiale ? Il faut donc veiller, selon le médecin, à ce que cette ouverture soit bien encadrée, afin que le test de Guthrie garde toute son utilité.

*AFDPHE : Association Française pour le Dépistage et la Prévention des Handicaps de l’Enfant

Test de Guthrie : un peu d'histoire...

Mis au point à titre expérimental en 1961 par le docteur Robert Guthrie, ce test est le résultat de nombreuses expériences. Ce médecin américain avait des raisons personnelles de poursuivre ces recherches, puisque l'un de ses enfants était atteint d’un retard mental, et l’une de ses nièces handicapée par la phénylcétonurie, faute d'avoir été dépistée à temps. Il a réussi à mettre au point un test pour dépister cette pathologie, le désormais fameux test de Guthrie, pratiqué en France depuis 1972, et utilisé dans de nombreux pays.

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