Jamel Debbouze, un papa aux valeurs nobles

Publié par Elodie-Elsy Moreau  |  Mis à jour le par

A l’occasion de la sortie de son premier film en tant que réalisateur, nous avons rencontré le talentueux et sympathique Jamel Debbouze. Son nouveau film, le soutien de son épouse Mélissa Theuriau durant le tournage, les valeurs essentielles à l’éducation de leurs enfants… Jamel nous dit tout.

Jamel Debbouze : « Pourquoi j’ai pas mangé mon père », son nouveau bébé

Avec « Pourquoi j’ai pas mangé mon père », vous vous lancez dans la réalisation. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’adapter le livre de Roy Lewis ? 

En fait, ce n’est pas moi qui ai décidé d’adapter le livre. Ce projet était déjà enclenché depuis de nombreuses années chez Pathé. Au départ, on m’a proposé de faire une voix. J’ai essayé, ça s’est bien passé, ça les a fait rire. Ensuite, j’ai essayé de changer les dialogues, et forcément la structure du scénario. Ça leur a plu. Je pense qu’ils ont été enchantés par ma proposition, sans même que je le veuille. Cela s’est fait naturellement et je me suis ensuite accaparé le projet.

Vous avez travaillé durant sept ans pour monter ce film. Avez-vous rencontré des moments de doute ?

Oui, tout le temps ! Tous les trois jours, tu as envie de pleurer, d’arrêter. Ça te submerge, c’est plus fort que toi ! Il y a tellement de gens autour de toi, on se pose 450 questions par jour.

Mélissa Theuriau, votre épouse, est l’une des héroïnes du film. Le fait de travailler en couple vous a-t-il aidé ?

Oui, franchement ! Dans ce long marathon qui a duré sept ans, on a besoin de satisfactions, non pas quotidiennes évidemment mais une de mes grandes satisfactions était de voir ma femme se révéler dans la comédie. Elle voulait vraiment jouer. On a tous envie d’interpréter des trucs devant une caméra. On s’est tous retrouvé devant un miroir à jouer à la princesse, au docteur, au super héros… ou à la chanteuse. Pousser les gens à le faire devant une caméra, ce n’est pas grand-chose, il faut juste leur donner confiance. Mélissa ne se sentait pas légitime. Mais comme on m’a aidé à faire ce que j’ai réalisé, je l’ai aidée à se lancer. Et puis, ma femme m’a motivé à y retourner pendant sept ans, c’est une véritable preuve d’amour tout de même !

« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » est le premier film européen en motion capture. Cela doit être une grande fierté ?

Oui, je n’aurais jamais accepté d’écrire un scénario, ni de mettre en scène un film en motion capture. Je n’ai pas cette prétention ou cette velléité-là. En revanche, dès que j’ai rencontré les techniciens français et les producteurs, cela a changé. Ils m’ont fait prendre conscience que je pouvais le faire. Et que cette technique, aussi pointue qu’elle puisse être, est la meilleure pour un comédien comme moi qui vient de l’impro. On n’est pas contraint par l’espace, par le temps. On peut tourner pendant 15, 20, 25, 30 minutes sans s’arrêter. Au cinéma c’est compliqué, les scènes durent 2-3 minutes, ensuite il faut changer l’axe des caméras, les lumières… C’est physiquement plus sollicitant. La motion capture est le meilleur outil qui m’ait été permis d’utiliser, c’est le meilleur rapport entre la scène et le cinéma.

On reconnaît chez Edouard, le personnage principal, votre phrasé, votre style. En fait, c’est vous ?

Oui, à quelques poils près ! (rires) J’ai eu la chance d’avoir la motion capture à ma disposition. Avec cette technique, la moindre des respirations est restituée, j’ai donc voulu camper le personnage principal, d’ailleurs c’est ce qu’on me proposait de faire au départ. Et c’est en ça qu’il est encore plus proche de moi. Evidemment, il y a ce qu’il vit, ce qu’il pense et ce qu’il est physiquement. J’ai halluciné la première fois que j’ai montré un des tests à mon fils. Il m’a reconnu immédiatement, il avait 9 mois ! C’est extraordinaire de pouvoir humaniser des personnages animés et leur donner cette espèce de lourdeur qu’il y a dans nos corps.

Votre fils vous a vraiment reconnu ?

Léon m’a tout de suite reconnu ! Il avait 9 mois. Il est passé de l’ordinateur à moi en se disant il y a quelque chose qui cloche : les deux se ressemblent vraiment !

Ce film fait aussi écho à votre couple, n’est-ce pas ? Edouard rencontre une ravissante femme, qui vient d’une autre tribu…

Oui, il rencontre une femme qui vient d’ailleurs, qui ne parle pas la même langue, qui est différente… pourtant, ils ne se posent pas de question. Cette différence les a rapprochés et unit comme dans ma vie. Je me suis inspiré de ma propre expérience. Comme dans ma vie, je suis tombé de l’arbre,  je me suis cassé le bras et j’ai dû me battre car je n’avais pas le choix, comme Edouard. On se ressemble beaucoup là-dessus.

Dans votre film, il y a d’un côté les progressistes et les réactionnaires intolérants. La tolérance et le respect sont des valeurs que vous inculquez à vos enfants malgré leur jeune âge ?

Bien sûr, on vit dans un monde dur, dans un monde d’image. Quand je vois les chaînes d’infos, les flots d’images violentes, j’ai envie de dire à mon fils : « ce n’est pas ça le monde, ne te trompe pas ». Je le prends par la main et on fait le tour du monde. On a voyagé aux Etats-Unis, en Afrique, au Canada. On a été dans des endroits très durs, où il y a une vraie précarité. On a aidé des gens. On a travaillé pour eux. Il a fallu qu’il comprenne, comme moi j’ai compris. J’ai eu la chance de vivre dans la misère et la violence et je l’ai transformée en quelque chose de beau, j’espère : en une famille, en des valeurs. Cela m’a motivé à devenir quelqu’un de meilleur.
Et puis, le monde ce n’est pas ce qu’on nous vend tous les jours à la télé. C’est faux, complètement faux. La plupart des gens ont envie de vivre les uns avec les autres, n’ont pas peur de la différence, le monde entier se mixe. On se mélange. On est différent, et il faut le dire aux enfants. Il ne faut absolument rien leur cacher, sans les empêcher de rêver évidemment. C’est indispensable que les enfants continuent à rêver, à croire en quelque chose. Il ne faut pas casser la machine à rêves comme on l’a fait en banlieue.

C’est aussi le message que vous souhaitez faire passer à tous les enfants avec ce film ?

Oui, je parle d’amour, d’amitié, de fraternité, mais aussi d’exclusion. D’un côté, les valeurs nobles, et de l’autre, les problèmes auxquels il faut faire face. Il ne faut pas juger, ne pas avoir d’apriori, c’est super important !

"Pourquoi j'ai pas mangé mon père" en salles dès le 8 avril 2015

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