Ingrid Chauvin : confessions à cœur ouvert

Publié par Elodie-Elsy Moreau  |  Mis à jour le par

Dans son livre « A cœur ouvert », Ingrid Chauvin partage la douleur de la perte de sa fille, et exprime ses espoirs pour l’avenir. A l’occasion de la sortie en librairie, ce jeudi 12 mars, nous avons eu le privilège de la rencontrer. Confessions.  

Ingrid Chauvin : « Jade est dans mon cœur et dans ma tête 24h/24 »

Quel message souhaitiez-vous faire passer en écrivant ce livre ?

Je voulais tout d’abord mettre des mots sur ma douleur. J’étais dans une sorte d’impasse, je n’arrivais pas à exprimer, à extérioriser ce que je ressentais. Ecrire m’a permis de me libérer en quelque sorte. Je voulais aussi partager. J’avoue avoir eu moi-même besoin de me plonger dans les témoignages de parents qui avaient traversé cette épreuve.  Je me suis dit que ça pourrait apporter une forme d’apaisement à ces familles, les aider à avancer dans leur parcours.

C’était une étape importante dans votre reconstruction ?

Oui, même si je me sens encore extrêmement fragile. Ce livre est aussi le témoignage de l’amour inconditionnel que je porte à ma fille. Il y a quelque chose qui va durer dans le temps et c’était important pour moi. C’est une manière de la faire exister symboliquement.

Vous avez très vite repris le travail. Une manière de continuer à vivre…

C’était une manière de me remplir la tête de choses positives. On a besoin de ça pour avancer et tenir debout, ça aide à être plus fort. J’ai voulu me plonger dans le travail, dans les tournages et surtout faire de la scène dans un registre de comédie. Cela peut paraître compliqué quand on est dans cet état-là mais ça m’apporte beaucoup de bien. Et l’échange avec le public est absolument extraordinaire. Tous ces gens qui m’écrivent depuis des mois, et qui font la démarche de venir me voir au théâtre.

Vous parlez aussi beaucoup du soutien de votre mari. C’est un pilier indispensable ?

Indispensable, oui. Sans lui, je n’aurais pas pu tenir. Je pense que notre amour est notre force. On avance vraiment tous les deux, main dans la main. J’ai conscience d’avoir cette chance. De nombreux couples se brisent après une telle épreuve. Beaucoup de femmes m’écrivent en me disant qu’avec leur mari le sujet est devenu tabou.

Quels conseils voudriez-vous donner à ces familles justement ?

Je pense que l’écriture est extrêmement importante. Si le livre n’avait pas été édité, ça n’aurait pas été grave. Pour moi, l’important était de réussir à le faire. Cela me permet de débuter ce long chemin du deuil. D’ailleurs, je continue toujours à écrire ce que je ressens, ce que je vis, mes pensées.

Dans votre livre, vous dites que vous avez toujours le doudou et la tétine de Jade sur vous. Une façon de garder votre fille auprès de vous ?

Oui, dans ma loge, j’ai le petit doudou de Jade avec moi. C’est très symbolique. Ma fille est présente dans mon cœur, dans ma tête 24h/24, où que je sois, quoi que je fasse. C’est un petit symbole comme si elle était là en fait.

Vous avez appris sa malformation le jour de la sortie de la maternité. Est-ce que vous en avez voulu au corps médical de ne pas avoir diagnostiqué sa pathologie plus tôt ?

Non, la seule chose qui aurait changé, c’est que j’aurais pu organiser mon accouchement à l’hôpital Necker. On n’interrompt pas les grossesses pour ce genre de pathologie, qui se soigne et s’opère très bien. A Necker, il y a, tous les mois, 30 opérations par chirurgien cardiaque.

Vous dites dans votre livre que Jade gardait le sourire, malgré les opérations. C’était une battante. Elle tient ça de vous ?

De moi et de son papa, en fait. Notre force de caractère nous permet d’avancer, d’essayer de nous relever malgré l’épreuve…

Comme vous le soulignez, et on le comprend très bien, vous avez vécu le pire. Est-ce qu’aujourd’hui, vous arrivez à croire au meilleur ?

Quand on est face à cette situation et face à cette indicible douleur, ce qui peut arriver par la suite ne peut être que meilleur. Quoi qu’il arrive, le pire est fait, on laisse venir les choses.

Vous avez d’ailleurs récemment obtenu l’agrément pour adopter un enfant. Un nouvel espoir donc ?

C’est la suite qui est beaucoup plus compliquée. On se retrouve comme des milliers de parents à attendre ce fameux coup de téléphone. Cela peut arriver demain comme dans  1 ou 2 ans…  Cette vision nous donne de l’espoir même si les conditions d’adoption sont très difficiles.

On apprend dans votre livre que cette envie d’adopter était présente avant la naissance de Jade ?

Oui. Je pense que cette envie est arrivée chez moi à l’aube de ma trentième année. Et c’est quelque chose que nous avons évoqué naturellement et rapidement avec mon mari. On s’est rencontrés à presque 40 ans, on était dans une certaine maturité, et nous n’avions ni l’un ni l’autre eu des enfants. C’était aussi jubilatoire de savoir qu’on allait concrétiser cette chose-là pour la première fois à deux. Après un premier bébé naturel, ce qu’on espérait vraiment, c’était adopter. Ça faisait partie de notre conception de la famille.

En parlant de vos futurs enfants, vous dites : je les aime déjà…

Oui, j’ai hâte qu’ils puissent lire ces quelques lignes. J’ai d’ailleurs envie de débuter un autre récit sur l’accueil de ces enfant, de ce nouvel amour, ce chemin de vie.

Vous n’excluez pas le fait d’avoir un autre enfant naturellement ?

Non plus, même si psychologiquement parlant, c’est beaucoup plus difficile. Je dois en quelque sorte accélérer la guérison…

Le temps du deuil est une source de pression supplémentaire ?

J’aimerais vraiment être beaucoup plus jeune pour laisser le temps au temps, ce qui ne m’est pas autorisée. Et puis, avoir vécu une première expérience de fausse couche qui n’a rien à voir avec le drame, est déjà un traumatisme. Jade est arrivée un an après. Ça a été long. Peut-on être capable de redonner la vie quand on porte la mort aussi lourdement sur ses épaules ? C’est une interrogation. Mais, il est vrai que je n’ai pas envie d’avoir,  à l’aube de mes 50 ans, ce regret de ne pas avoir essayé. Et l’un n’empêche pas l’autre. Cette idée de tribu du cœur est extrêmement présente. Je pense aussi qu’avoir plusieurs enfants auprès de moi me serait plus facile à vivre pour ne pas être dans la comparaison.

Votre maman vous a eue plutôt jeune, à 17 ans et demi, votre grand-mère a eu votre mère à 16 ans. Vous, vous avez choisi d’attendre. Pourtant très jeune déjà, vous ressentiez déjà ce désir de maternité…

Oui le « et demi » est très important pour elle ! J’ai attendu car j’avais un réel besoin de maturité.

Votre carrière a-t-elle été un frein ?

Non du tout. Ça n’a jamais été un problème pour moi. J’avais besoin d’être mature, de soigner « mes petites névroses ». J’avais envie d’être prête, de me sentir bien avec moi-même pour pouvoir donner le meilleur à mon enfant. Et puis l’expérience de mes parents m’a un peu marquée. J’avais envie d’un foyer paisible, joyeux, en harmonie. J’avais ce désir fou que mes enfants grandissent avec leur papa et leur maman. Il fallait donc faire le bon choix et attendre. Je ne regrette pas même si l’envie de maternité a toujours été présente. Adolescente, je me suis d’ailleurs entraînée sur mon petit frère…

L’annonce du décès de votre fille a ému le plus grand nombre. Vous vous attendiez à un tel soutien du public ?

Sincèrement non. J’ai été très touchée, émue. Je remercie les gens pour leur soutien  et leurs milliers de messages qui continuent aujourd’hui.  

Des encouragements qui vous ont donné l’envie de créer une association en la mémoire de Jade ?

Quand je me suis aperçue de l’ampleur de cet engouement, je me suis dit que si chacune des personnes ne versait, ne serait-ce, qu’un euro symbolique, on pourrait faire de grandes et belles choses.

Dites-nous en plus sur cette association.

Je me suis associée avec l’Hôpital Necker pour deux projets, pour le moment. Le premier consiste à acquérir des lits accompagnants pour la totalité des chambres de l’hôpital, qui permettent aux parents de dormir auprès de leur enfant. Le séjour à l’hôpital est ainsi beaucoup moins traumatisant psychologiquement. Je l’ai vécu, je n’ai pas toujours eu de lit. D’autre part, j’avais la chance de vivre sur Paris, ce qui n’est pas le cas de tous les parents. Voir ces familles dormir dans des couloirs, sur des chaises dans un désarroi total était bouleversant. J’ai eu envie de prêter mon image pour aider. Ce projet va se concrétiser, je suis très contente. Le deuxième projet porte sur la robotisation chirurgicale, qui permettrait de sauver près de 200 vies par an. Pour moi, cette une priorité. J’ai vraiment envie que ce projet aboutisse.

C’est aussi pour Jade ?

Oui bien sûr, j’aime ce pouvoir qu’elle exerce sur moi. Elle me porte énormément. J’ai l’impression parfois d’être guidée par elle. Je n’aurais jamais imaginé, il y a quelques années, entreprendre ce genre de choses. Et aujourd’hui, je le fais très naturellement, comme si je n’avais plus peur de rien. Ça me semble tellement important de le faire, et je n’ai qu’un désir, être la marraine du premier enfant qui sera sauvé par ce robot.

A cœur ouvert, Ed. Plon, disponible dès le 12 mars 2015

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