Modes de garde : lequel choisir pour mon enfant ?

Crèche intergénérationnelle : des rencontres enrichissantes pour tous les âges !

Publié par Estelle Cintas  |  Mis à jour le par Marion Bellal

La résidence pour personnes âgées "Les Orchidées", à Tourcoing, accueille quotidiennement des petits de la crèche "Rigolo comme la vie", et inversement ! Autour des activités quotidiennes, seniors et tout-petits partagent des moments intenses. Visite guidée.

Entre la crèche "Rigolo comme la vie" et l'EHPAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) "Les Orchidées", à Tourcoing, c'est une histoire qui dure depuis 10 ans ! La crèche est implantée au sein du jardin de la résidence et accueille des enfants de 10 semaines à 4 ans, ou 6 ans concernant les enfants en situation de handicap. Leur projet pédagogique intergénérationnel s'articule autour d'activités quotidiennes et de moments de partage tout en douceur, notamment lors des repas. Bonne nouvelle : les crèches intergénérationnelles sont en train de se multiplier en France ! Reportage au sein de celle de Tourcoing.

À Tourcoing : un projet de crèche innovante, au sein d'un Ehpad

« Colles-en une devant aussi ! Voilà ! C’est bien ! Il se débrouille bien, ce petit !  », s'exclame Mme Honoré, 83 ans, tandis qu'elle tend patiemment une autre gommette à Maxime, blondinet de 2 ans et demi. Il est 10 h 15 dans la résidence pour personnes âgées “Les Orchidées”, située dans le centre-ville de Tourcoing, à côté de Lille. Quand le petit groupe des “moyens-grands” – Clara, Pévé, Léa, Ismail, Maxime et Lou-Ann – fait son entrée dans la résidence, toutes les têtes se retournent : « Bonjour tout le monde ! C’est la crèche !  » Les enfants ont déjà l’habitude : ils posent leurs manteaux et s’installent dans la grande salle d’activités. Ce matin : décoration de chapeaux !

Ateliers collectifs dans les locaux de la crèche ou de la maison de retraite

La résidence, construite en 1999, a choisi de sacrifier une partie de son terrain, en 2012, afin d'accueillir une crèche. C’est un établissement de 26 berceaux du réseau “Rigolo comme la vie”, qui s’est alors implanté dans ce bel espace de plain-pied de 200 m2. Depuis les grandes baies vitrées de la crèche, on peut voir passer les résidents, qui se promènent dans leur jardin sensoriel. La plupart font un petit détour pour venir saluer les enfants. Certains en ont même fait un rituel. C’est le cas de “M. Pierre”, qui s’installe à sa fenêtre tous les matins, à la même heure, pour leur faire coucou. 

Dans la résidence où a lieu l’atelier chapeaux, cinq ou six seniors, en fauteuil ou en déambulateur, patientent. Les enfants, eux, sont installés sur des rehausseurs. Les binômes se forment. Ismail, 2 ans, fait équipe avec Mme Deschamps. Elle le freine gentiment : « Non, il ne faut pas appuyer si fort ! Regarde, il faut simplement coller doucement. » Au contact de la vieille dame, le petit garçon ralentit ses gestes. Il écoute et lui tend une nouvelle gommette. Clara, 20 mois, est intimidée par Mme Suin. Pas grave : l’auxiliaire de puériculture la prend sur ses genoux pour qu’elle continue de participer à l’activité. De son côté, M. Lœuille, 90 ans, aide Lou-Ann à décorer son chapeau. Il commente : « Ouhlala, mais dis donc, tu me demandes du travail de haute précision, là !  »

L’activité, qui rassemble les deux générations, est aussi bénéfique aux uns qu’aux autres. Les résidents, comme les enfants, doivent apprendre - ou réapprendre - à travailler la motricité fine et exercer leur créativité. Ils s’entraident beaucoup, reçoivent une belle dose de bonheur et de bien-être. « Ah, ça colle ! », s’écrie Léa. Marie-Thérèse rit : « Après, on mettra encore un bleu, d’accord ? ». La petite fille, suspendue aux gestes de la vieille dame, hoche la tête.

Objectif : créer du lien entre enfants et personnes âgées en France

Aurélie, animatrice à la résidence, développe le but de cette cohabitation intergénérationnelle : « Pour les pensionnaires, la présence des petits est une bouffée de fraîcheur. Ils revivent leur vie de parent. Petit à petit, ils se souviennent des gestes : tenir une main, remettre une manche, caresser une tête soyeuse. Ce sont eux qui aident les enfants, ça les valorise beaucoup. Le soir, ils en parlent pendant les repas, se remémorant les bons moments de la journée. Ça leur permet de parler d’autre chose que de leurs bobos. » La porte du grand salon étant restée ouverte, des résidents qui ne s’étaient pas inscrits à l’atelier s’approchent, attirés par les rires et les éclats de voix. Le concept séduit les plus âgés, qu'ils soient grands-parents ou non.

Mais les enfants commencent à s’agiter : il est temps de sortir se promener. Dans le jardin de la résidence, on trouve une mare avec des poissons rouges, une volière avec des perruches, des sculptures de moutons qu’on peut chevaucher, une balançoire et un toboggan. Denis Poitou, responsable de la communication chez “Rigolo comme la vie”, explique : « Dès la création du jardin, il a été décidé d’y placer des jeux pour enfants. Ça permet aux familles qui viennent visiter une personne âgée de passer un bon moment aussi. Pour les enfants de la crèche, ça crée une attractivité forte : c’est la fête quand ils y vont ! »

Retour à la crèche pour le repas des petits. À l’intérieur, la grande pièce de vie est entièrement ouverte. Bébés, moyens et grands évoluent dans le même espace. Tout au plus, une cloison basse isole les bébés du reste des enfants. Du côté des adultes, à part le bureau, c’est pareil. Les auxiliaires et les éducatrices de jeunes enfants prennent leurs repas avec les bambins, sur les petites tables, assises sur les minuscules chaises. Il n’y a pas non plus de chaises hautes. Ici, tout est à hauteur d’enfant, pour favoriser au maximum l’autonomie.

Un établissement où vivre et grandir ensemble

Noëlline, coresponsable EJE (éducateurs de jeunes enfants), nous explique le projet pédagogique de la crèche : « Chez nous, les sections n’existent pas. Ainsi, les bébés voient les grands évoluer, et les grands n’hésitent pas à aider un plus jeune qui éprouve une difficulté. » Les enfants s’éveillent de la sieste. Ils se lavent les mains tout seuls et partent jouer dans la grande salle.

Lætitia Florin, la directrice de la crèche aidée de son équipe, prépare le goûter. Cette fois-ci, ce sont les résidents de la maison de retraite qui viennent dans la crèche. Elle sort des chaises pliantes pour accueillir une dizaine de résidents, pendant que les enfants s’installent autour de la table pour commencer à goûter. « Nous essayons de multiplier les moments d’échange, les cours de cuisine, la lecture de contes, les chants, les ateliers d’arts plastiques. On fait aussi régulièrement des sorties ensemble : au jardin botanique juste à côté, au marché.., détaille-t-elle. Pour cet après-midi, après le goûter, on a prévu de faire un peu de danse. En ce moment, on réfléchit avec les animateurs de la maison de retraite à tout ce qu’on pourrait mettre encore en place. On s’aperçoit que les possibilités sont infinies ! »

Soudain, un frémissement d’excitation parcourt le groupe des petits autour de la table du goûter : « Les résidents arrivent ! ». Les seniors s’installent autour des enfants, et tout le monde partage le repas : des croissants et des beignets préparés par les cuisiniers ! Tout à coup, un bébé pleure dans son transat. Des oreilles se dressent, une main ridée se tend pour le consoler. Puis, les auxiliaires de puériculture mettent de la musique, et les enfants, une fois débarbouillés, se précipitent dans la grande pièce de vie.

À les voir se trémousser, chapeau sur la tête et ruban à la main, les résidents s’égayent et rient en montrant les mimiques des uns ou des autres. Certains esquissent même un mouvement de danse, pour accompagner les petits. Les enfants sortent alors des ballons en mousse et improvisent un lancer de balles avec les adultes. Forcément, quelques ballons atterrissent directement sur les têtes blanches, provoquant des exclamations et des rires de part et d’autre.

Les interactions entre les générations sont essentielles au sein d'une société, chaque âge donnant des leçons de vie à l'autre. Sans parler du lien social que cela apporte aux adultes les plus isolés. Christiane, 82 ans, caresse une petite tête aux boucles soyeuses. « C’est tellement agréable de passer du temps avec des petits. Ça nous change. Les enfants nous surprennent toujours », confie-t-elle, alors que le petit Pévé s’élance vers M. Poissonnier et attrape à pleines mains son menton fripé, en riant.

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