Des produits de toilette sans risque, c'est possible !
Le nouveau-né a une peau très fragile et immature. Durant les premières semaines, elle n’est pas encore recouverte du film hydrolipidique qui la met à l’abri des agressions extérieures. « La peau du bébé n’est pas plus perméable que celle d’un adulte, mais sa surface cutanée par rapport à son poids est très importante, souligne le Pr Gérard Lorette, dermatologue au CHU de Tours. Ce qui signifie qu’il a potentiellement plus de risque d’être contaminé par des produits chimiques. » Surtout au niveau du siège, car cette zone est fermée et souvent humide quand le bébé n’est pas régulièrement changé, les produits pénètrent alors facilement dans la peau, d’autant plus s’ils ne sont pas rincés. Dans une étude publiée en février dernier, l’organisation non gouvernementale Women in Europe for a Common Future (WECF) a tiré la sonnette d’alarme. Des ingrédients ou familles d’ingrédients classés à “risque élevé” ont été retrouvés dans 299 produits pour la toilette des bébés (shampooings, lingettes ou encore laits nettoyants). Le même mois, Women in Europe for a Common Future a épinglé 185 cosmétiques courants contenant des composés préoccupants, dont des lingettes pour bébés. Parmi eux, on retrouve des allergènes, des conservateurs ou encore des parfums, des substances ayant un impact sur la santé, seules ou en association avec d’autres.
Les produits réglementés
Actuellement, en France comme dans toute l’Europe, les normes applicables aux cosmétiques sont fixées par un règlement européen qui définit les substances autorisées, avec quelle limite de concentration, celles qui sont interdites (plus d’un millier), les mentions obligatoires sur l‘étiquette. Au niveau européen, le Comité Scientifique pour la Sécurité des Consommateurs (CSSC) réalise des évaluations de risques et rend des avis sur la sécurité des ingrédients des cosmétiques. En France, l’Agence Nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) émet également des recommandations pour aider les autorités françaises à prendre des mesures appropriées. Pour autant, ce n’est pas facile de s’y retrouver entre la réglementation et les alertes des scientifiques. Les substances incriminées par WECF et Que Choisir sont en effet autorisées, en faible quantité par le règlement européen. Et les fabricants sérieux les utilisent généralement à des doses encore moindres que celles permises. Sous l’égide de leur fédération, la FEBEA, les entreprises cosmétiques françaises ont adopté dès 2009 des « bonnes pratiques pour le développement des produits de toilette à destination des enfants de moins de 3 ans ». En 2013, elles se sont engagées à retirer le méthylisothiazolinone (MIT) des produits non rincés. Mais dans le doute, on applique le principe de précaution !
Les ingrédients à éviter absolument !
Avant d’acheter un produit de soin pour bébé, premier réflexe, scrutez attentivement sa composition… avec une loupe si besoin ! Tous les ingrédients sont mentionnés sur l’étiquette au dos du produit par ordre décroissant de concentration, sauf en dessous de 1 % où ils peuvent alors apparaître n’importe où, y compris au début de la liste et même en gras. Vous n’êtes pas chimiste, et même si l’étiquetage n’est pas forcément clair, certaines substances doivent attirer votre attention. Bien qu’autorisées par la réglementation, trois d’entre elles sont en effet classées à “risque élevé” par WECF.
Le méthylisothiazolinone (MITCe conservateur, utilisé dans de nombreux produits de soin en remplacement des parabens, est particulièrement allergisant. Dès 2012, la Société française de dermatologie (SFD) a alerté sur le risque d’eczéma du visage et du siège déclenché par l’utilisation de lingettes nettoyantes contenant ce conservateur.
Le phénoxyéthanol
Omniprésent dans les cosmétiques, notamment pour bébés, il pourrait bientôt être interdit dans les produits qui s’utilisent sans rinçage. Ce conservateur qui a beaucoup fait parler de lui ces dernières années, entre dans la composition de crèmes pour le corps, le visage, dans des solaires, mais aussi dans des lingettes. Il est suspecté d’avoir des effets toxiques sur la reproduction : c’est ce qu’on appelle un perturbateur endocrinien, une substance qui a la faculté d’interférer avec les messages hormonaux et de les dérégler. Or, le système hormonal est très fragile à certaines périodes clés de la vie, particulièrement chez le bébé dont l’organisme est immature. Depuis 2012, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) recommande de ne plus utiliser de phénoxyéthanol dans les produits destinés à nettoyer les fesses du bébé, et de réduire la teneur maximale à 0,4 % pour les enfants de moins de 3 ans.
Les parfums
« Nous avons été étonnés de trouver autant de produits pour bébés contenant des parfums, alors qu’on sait qu’ils favorisent les allergies, souligne Elisabeth Ruffinengo, responsable projets santé-environnement de WECF. Et les produits biologiques sont également concernés même si les parfums utilisés présentent un peu moins de risque car d’origine naturelle. »
Des substances à “risque modéré”
Ne posez pas votre loupe ! L’association WECF a également recensé des ingrédients cosmétiques présentant un « risque modéré », repérable sous différentes dénominations sur les étiquettes des produits. On retrouve un conservateur, l’EDTA (disodium, tetrasodium, calcium disodium) et des émulsifiants, tels que le sodium lauryl sulfate (SLS) ou l’ammonium lauryl sulfate (ALS). Ces agents moussants, présents en grande majorité dans les produits pour le bain et les shampoings, sont irritants et potentiellement allergisants. Les huiles minérales étiquetées sous le nom petrolatum, paraffinum ou mineral oil sont utilisées pour améliorer le pouvoir hydratant des soins. Elles sont souvent présentes dans les produits pour bébés. Problème : de mauvaise qualité, elles peuvent contenir des impuretés (hydrocarbures) en quantité supérieure à la normale. Quant aux parabens, dont la réputation n’est plus à faire, on ne les trouve quasiment plus dans les cosmétiques pour bébés. Deux d’entre eux, le propylparaben et le butylparaben sont interdits dans les produits de soin sans rinçage destinés à être appliqués sur le siège depuis 2014. Pour ce qui est des crèmes solaires, elles ont souvent recours à des filtres minéraux, réduits à l’état de nanoparticules (nano sur l’étiquette), pour éviter les traces blanches. Les effets de ces substances sont peu documentés, mieux vaut donc s’abstenir si vous voyez cette mention sur l’emballage. Pour limiter les risques, « Privilégiez des produits portant des labels biologiques (Ecocert, Cosmebio, Nature et Progrès, NaTrue), conseille Elisabeth Ruffinengo. Ils contiennent au minimum 95 % d’ingrédients d’origine naturelle. »