Les nouveaux grands-parents

Publié par Estelle Cintas  |  Mis à jour le par

Les grands-parents issus de la génération du baby-boom jonglent entre randonnées, piscine, voyages et cours du soir… Difficile parfois de leur caser leurs petits-enfants dans leur emploi du temps de ministre ! Grands-parents, mais pas trop ?

Qui sont les grands-parents d’aujourd’hui ?

Les papys et mamies ont bien changé ! Oubliez l’image d’Épinal de la bonne grand-mère qui vit dans la maison de ses enfants, tricote ou fait des confitures en racontant des histoires du temps jadis… Aujourd’hui, les grands-parents portent des jeans, pianotent sur leur Smartphone (avec des verres progressifs !) et j’en connais même qui portent le Perfecto® mieux que certains trentenaires branchés… Qui sont-ils ? En 2011, l’Insee a lancé une étude sur les grands-parents*. Ils seraient 8,9 millions de grands-mères et 6,2 millions de grands-pères, soit 15,1 millions en tout, à vivre en France métropolitaine. Leur nombre a évolué ces dernières années. En effet, les enfants du « baby-boom » ont vieilli. Leur génération a créé un « papy-boom ». Et comme les plus jeunes générations du baby-boom sont encore quadragénaires, le phénomène papy-boom devrait se poursuivre. Or, cela n’a pas toujours été le cas. « L’histoire montre qu’avant, les petits-enfants qui avaient la chance de connaître leurs grands-parents étaient seulement ceux des classes sociales favorisées. Les ouvriers ou les paysans mouraient jeunes et côtoyaient peu de temps leurs petits-enfants. Aujourd’hui, avec l’allongement de l’espérance de vie et la généralisation des retraites, toutes les classes sociales ont la chance de pouvoir voir grandir leurs petits-enfants », explique Claudine Attias-Donfut**, ancienne directrice de recherche à la Caisse nationale d’assurance vieillesse. 

Toujours selon l’Insee, on devient grand-parent plus tard qu’auparavant, mais on a plus de chance de vivre longtemps. Ainsi, en 2010, la moyenne d’âge des grands-mères était de 54 ans, et de 56 ans pour les grands-pères. Ces femmes et ces hommes sont devenus parents en moyenne à 24,5 ans et 26,5 ans, et l’un de leurs enfants est devenu parent à son tour en moyenne 29,5 années plus tard. Dans certaines familles, ce sont même quatre générations qui coexistent : « J’ai trois enfants de 6 ans, 4 ans et demi et 1 an. Mes parents et mes beaux-parents ont entre 60 et 70 ans. De mon côté, j’ai encore mes deux grands-mères, de 86 et 87 ans, qui ont toujours bon pied bon œil. Chaque année, on se retrouve chez l’une ou chez l’autre pour un grand repas. Régulièrement, mes sœurs ou mes cousins annoncent des naissances et la famille s’agrandit. C’est merveilleux d’être réunis, toutes générations ensemble », raconte Pauline. Le nombre de grands-parents varie selon les régions. Ils sont plus nombreux dans l’ouest de la France, la Lorraine et le Nord-Pas-de-Calais. Dans cette dernière région, le nombre de grands-parents atteint le chiffre de 85 % parmi les 75 ans ou plus. Ils sont en revanche moins nombreux en Ile-de-France (75 %).

Ces nouveaux grands-parents avaient environ 20 ans en 1975. Ça veut dire qu’ils écoutaient les Pink Floyd, Roxy Music, Johnny Halliday (déjà !) ou… AC/DC ! Ils ont grandi dans l’après-68. « Ils ont leur propre vie et peuvent être « hyperactifs ». Après une vie de travail, ils ont une retraite active, avec des activités et des voyages. Certains en profitent même pour faire le tour du monde ! Ils veulent continuer à jouer un rôle dans la société. Ça peut passer par un engagement associatif. D’autres sont divorcés et ont eux-mêmes des ados, une compagne ou un compagnon », explique Claudine Attias-Donfut. Certains ont des emplois du temps de ministre, entre leurs activités de loisirs et leurs voyages. Parfois jusqu’à l’excès ! Quand elle parle de ses parents, Louise lève les yeux au ciel : « Ils sont sympas et ils adorent leurs petits-enfants, il n’y a pas de problème. Mais entre leurs cours d’anglais, d’informatique, la gym et leurs voyages au bout de la planète, ils ne sont jamais disponibles pour les garder. Résultat, pendant les vacances scolaires, mes enfants passent leur temps au centre de loisirs ou en colo. Ils ne m’aident pas du tout ! »

Heureusement, la plupart de ces grands-parents surbookés arrivent tout de même à trouver de la disponibilité pour aider leur famille. En effet, leur rôle a changé auprès de leurs enfants. Pour permettre aux femmes de la nouvelle génération de progresser dans leur carrière, les grands-parents sont fortement mis à contribution, en s’occupant de leurs petits-enfants quand c’est nécessaire. « Ils sont très motivés pour favoriser le développement professionnel de leurs enfants, reprend Claudine Attias-Donfut. Dans le passé, on apprenait à la jeune mère seulement à être une bonne épouse. Ce n’est plus le cas, et ce phénomène a influencé le rôle des grands-parents. On leur demande plus fréquemment de soulager les parents qui, de leurs côtés, s’investissent tous les deux dans leur travail. » Une mission qu’ils accomplissent avec plaisir, comme en témoigne Elyette Joubert, vice-présidente de l’École des grands-parents européens : « Les membres de notre association ont tous très à cœur de s’occuper fréquemment de leurs petits-enfants. Ils ont souvent une relation très complice avec eux. Ils veulent leur transmettre la richesse de leurs passions, alors souvent, ils les emmènent un peu partout ».

Parfois, certaines mamies n’osent pas dire non, de peur que leurs enfants ne leur confient plus jamais les petits. Alors ils gardent un, deux, trois, quatre jeunes enfants, et les emmènent d’une activité à l’autre, au risque d’y laisser leur santé ! Certains, trop investis et voulant à tout prix bien faire, font de véritables burn-out ou syndrome d’épuisement. Il faut dire que certains parents ont tendance à exagérer ! C’est  ainsi qu’on a vu il y a quelques années surgir le terme « chic-oufs » pour désigner les petits-enfants. Explication ? « Chic », disent les grands-parents en voyant débouler leurs petits-enfants pour les vacances scolaires, sincèrement heureux de les retrouver. Puis, au bout de quelques jours, harassés de leur courir après et de multiplier les sorties, ils les voient repartir avec une pointe de soulagement et peuvent alors dire « ouf »… Elyette Joubert trouve cette expression trop caricaturale : « La plupart des grands-parents que je connais sont tristes quand leurs petits-enfants s’en vont. Personnellement, je ressens un grand vide et j’ai un peu le cafard ! » On reconnaît rarement tout ce qu’apportent les grands-parents, alors qu’ils jouent un rôle fondamental en proposant une relation différente de celle que l’enfant a avec ses parents, faite de patience, d’amour inconditionnel, et tout cela lui donne un sentiment de sécurité fort. Aller chez son papy et sa mamie une fois par semaine, c’est un moment particulier. Un temps où l’enfant se pose, et vit à un rythme différent du temps partagé avec ses parents. Si les grands-parents habitent loin, ce sera plutôt une semaine pendant les vacances. Mais cela reste pour l’enfant un moment privilégié. 

Leur rôle a aussi changé du point de vue de l’éducation. Tandis que les parents ont repris leur « rôle éducatif », la nouvelle génération de grands-parents serait plutôt permissive : ils seraient en tout cas moins autoritaires avec leurs petits-enfants qu’ils ne l’ont été avec leurs enfants. Ainsi, chez mamie, on peut tout faire (tout en restant respectueux), comme en témoigne Josiane avec humour sur notre page Facebook : « Grand-maman a toujours raison, surtout quand elle dit que le dessert se mange avant le repas. Grand-papa est d’accord pour lire la même histoire dix fois. Et d’autres soirs, il peut même lire trois histoires d’affilée. » Laurence, autre jeune grand-mère, ajoute : « Quel bonheur, j’ai mes petits amours tous les jours, et quelle joie quand ils viennent dormir le week-end ! » La relation qui se tisse est alors irremplaçable. « Les grands-parents ont de la disponibilité, une écoute particulière. Contrairement aux parents qui font souvent plusieurs choses à la fois, les grands-parents font tout avec plus de lenteur, ils ont de nombreux rituels, ce qui rassure les enfants », reprend Elyette Joubert. Aller chercher le pain avec papy, accompagner mamie au marché. Les papys-mamies servent de repères, dans le temps et l’espace. S’ils ne racontent plus des histoires de la guerre, ils peuvent raconter comment les parents étaient quand ils étaient petits. Cette transmission permet à l’enfant de s’inscrire dans une lignée. Ce sont les socles de la famille, surtout si les parents sont séparés.

Cette bonne relation n’est possible qu’à une seule condition : que les parents l’encouragent. Ce lien est essentiel. Il faut donc essayer de le maintenir, quelles que soient les difficultés. Pour ça, les grands-parents doivent reconnaître le rôle de leurs enfants. Ils ne doivent pas non plus être envahissants, ni dans le jugement. Facile à dire, mais pas toujours à faire ! Aux parents, dans ce cas, de poser les limites et aux grands-parents de les accepter. Pour le bonheur et l’épanouissement de tous…

* « 15 millions de grands-parents », Nathalie Blanpain, Liliane Lincot, division Enquêtes et
 études démographiques, Insee Première N° 1469, octobre 2013.

**Auteur de « Grands-parents, la famille à travers les générations », éd. Odile Jacob.

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