Comment lui laisser sa place de père ?

Publié par Elodie-Elsy Moreau  |  Mis à jour le par Nicole Fabre, Psychanalyste

Comment permettre au papa de s'impliquer pendant la grossesse , Puis de tisser des liens avec son bébé ?  Eléments de réponse de la psychanalyste Nicole Fabre.

Mère fusionnelle : comment impliquer le papa ?

A la naissance de leur bébé, nombreuses sont les jeunes mamans qui accaparent leur tout-petit. De leur côté, les papas, qui ont peur de mal faire ou qui se sentent exclus, ne trouvent pas toujours leur place dans ce nouveau trio. La psychanalyste Nicole Fabre nous livre quelques clés pour les rassurer et les laisser pleinement accomplir leur rôle de père…

Pendant la grossesse, la future maman vit en symbiose avec son enfant. Comment impliquer le papa, même avant la naissance ?

Depuis une vingtaine d’années, on recommande aux papas de parler au bébé dans le ventre de la maman. Une grande partie des psychologues estiment que l’enfant y est sensible, qu’il reconnaît la voix de son papa. C’est également une manière de rappeler à la future maman qu’un bébé se fait à deux. Elle doit prendre conscience que cet enfant n’est pas sa propriété, mais un individu avec deux parents. Lorsque la maman passe des examens, il est aussi important que le père puisse parfois l’accompagner. Dans le cas contraire, elle ne doit pas oublier de l’appeler pour lui dire comment l’échographie ou l’analyse s’est passée, sans que cela devienne excessif. En effet, il n’est pas question de faire un transfert de fusion du bébé vers le futur papa. Autre point essentiel : il faut impliquer le papa sans le pousser à avoir la même place que la mère. S’il fait ou souhaite tout faire comme la future maman, il pourrait y perdre son identité de père. D’ailleurs, je ne comprends pas cette tendance consistant à installer le papa « en position » d’accoucheur, au plus près des sages-femmes à l’accouchement. Certes, il est important qu’il soit présent, mais il faut garder en tête que c’est la maman qui met au monde l’enfant, et non le père. Il y a un papa, une maman, et chacun a son identité, son rôle, c’est comme ça…

On encourage souvent le père à couper le cordon ombilical. Est-ce une manière symbolique de lui attribuer son rôle de tiers séparateur et de l’encourager dans ses premiers pas de papa ?

Cela peut en effet être une première étape. Si c’est un symbole important pour les parents, ou pour le père, il peut le faire, mais cela n’est pas indispensable. S’il ne préfère pas, il ne faut en aucun cas l’y obliger.

Souvent, par peur d’être maladroits, certains hommes ne s’impliquent pas dans les soins à apporter au nouveau-né. Comment les rassurer ?

Même si ce n’est pas lui qui change la couche ou donne le bain, sa présence est déjà très importante, car le tout-petit est en interaction avec ses deux parents. En effet, il voit son père et sa mère, reconnaît leur odeur. Si le jeune papa a peur d’être maladroit, la maman ne doit surtout pas l’empêcher de s’occuper de l’enfant mais le guider. Donner le biberon, parler à son bébé, changer les couches, permettra au papa de créer des liens particuliers avec son tout-petit.

Lorsque les mamans vivent en fusion avec leur bébé, notamment celles adeptes du maternage, il est encore plus difficile pour le papa d’avoir confiance en lui ou de s’investir…

Plus on installe une relation fusionnelle, plus on a du mal à s’en défaire. Dans ce genre de relation, le papa est même parfois considéré comme un « intrus » : la maman ne peut se séparer de son enfant, préfère tout faire elle-même. Elle accapare l’enfant, alors qu’il est important de pousser les papas à intervenir, à participer, du moins, à être présents. Il est vrai que nous observons une véritable mode du maternage. Mais moi, je suis contre l’allaitement de longue durée par exemple. Allaiter jusqu’aux trois mois de l’enfant et opter ensuite pour un allaitement mixte permet déjà de préparer la séparation mère-bébé. Et à partir du moment où un enfant a des dents et qu’il marche, il n’a plus à téter. Cela crée une jouissance entre la maman et l’enfant qui n’a pas lieu d’être. De plus, lui donner une autre alimentation permet au papa de participer. Le père a aussi le droit de partager ces moments avec son tout-petit. Il est en effet important d’apprendre à se séparer de son enfant, et surtout de se souvenir qu’il a deux parents, chacun apportant sa vision du monde au bébé.

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