3, 4 ou 5 enfants avant 30 ans

Publié par Elodie-Elsy Moreau  |  Mis à jour le

Elles n’ont même pas 30 ans et assument déjà l’éducation de 3, 4 voire 5 enfants. Enquête chez ces "Wonder Mums"...

Ces jeunes mères à la tête de familles nombreuses

Elles n’ont même pas 30 ans et assument déjà l’éducation de 3, 4 voire 5 enfants. Ce phénomène n’est pas nouveau, mais à l’heure où la moyenne d’âge de la première maternité augmente chaque année, le choix de ces jeunes mamans détonne. Comment expliquer ce désir précoce d’avoir une grande famille ? La pédopsychiatre et psychanalyste Myriam Szejer nous éclaire…

La famille nombreuse comme modèle

Alors que les Françaises font en moyenne deux enfants et que l’âge moyen de la première maternité est de 28 ans, certaines jeunes femmes décident de franchir ce cap bien avant, et de renouveler l’aventure sans trop tarder ! Un désir de construire une famille nombreuse, malgré leur jeune âge, comme Laura, qui à 23 ans, avait déjà 3 enfants. « Dès que j’ai rencontré mon mari à 17 ans, j’ai eu très vite envie d’avoir un bébé. J’étais jeune, mais je savais que c’était l’homme de ma vie. Deux ans plus tard, nous avions notre premier enfant. Je suis tombée enceinte du deuxième trois mois après, pendant mon retour de couches. Il faut dire que nous ne prenions pas nos précautions, je voulais un deuxième enfant. La maternité m’avait tellement épanouie. »
Pour la pédopsychiatre et psychanalyste Myriam Szejer, cette envie précoce d’avoir plusieurs enfants « survient le plus souvent chez les personnes issues elles-mêmes d’une famille nombreuse et qui n’en n’ont pas trop souffert. « Elles n’envisagent pas leur vie en dehors du brouhaha et d’une grande fratrie. Quand elles trouvent un homme avec lequel ce désir peut coïncider, parce qu’il a la même histoire par exemple, ils se lancent. Ils reproduisent leur modèle parental et familial. Leur jeune âge n’est pas un obstacle pour eux ». Ce phénomène se retrouve également chez les catholiques pratiquants, du fait « de la culture de la famille nombreuse et de la non-utilisation de la contraception ».
Certains choisissent également d’aller à l’encontre de leur modèle familial. Comme l’explique la spécialiste : « Les personnes ayant été enfant unique ont parfois souffert de solitude pendant leur enfance. Frustrés de cette situation, ils veulent très vite fonder une famille nombreuse et ne pas imposer à leur aîné, le fait de porter, seul, leurs idéaux de parents ».

Un refuge face à la crise ?

Les statistiques le prouvent, malgré la crise économique, les Français font toujours autant d’enfants. D’après Myriam Szejer, la conjoncture actuelle, accentuant l’appauvrissement des populations les moins aisées, pousse certains à se replier plus facilement sur une satisfaction à leur mesure : fonder une famille malgré une vision sombre de l’avenir. « Jeunes et moins jeunes se concentrent sur de l’intime. Ils ont cet accès à la reproduction alors que tout le reste leur semble inaccessible. Car les espoirs sociétaux, de carrière et politiques sont beaucoup moins investis. »
Cela fait écho aux dernières données de l’Insee et de l’Inserm, présentées récemment par la fondation Prem’up aux Assises 2013 : les femmes enceintes plus jeunes sont souvent moins diplômées mais subissent de plein fouet la crise économique. Par ailleurs, à la naissance de leur premier enfant, les mamans sans qualification ont trois ans de moins que la moyenne et commencent la constitution de leur famille environ cinq ans avant les diplômées du supérieur. Laura, elle, a quitté le circuit scolaire à 17 ans, mais a désormais un projet personnel : « C’est important pour moi de pouvoir m’épanouir professionnellement ».

Une renaissance à chaque naissance ?

« Comme le disait le Pr René Frydman, les femmes sont toujours en manque d’un enfant. En effet, tant qu’elles n’ont pas fait le deuil de leur fertilité, c’est-à-dire jusqu’à la ménopause, elles veulent toujours, même inconsciemment, un autre bébé. Et ce, après chaque grossesse », explique Myriam Szejer. Laura le confirme : « J’ai eu très vite envie d’un deuxième enfant après mon accouchement ». Néanmoins, la spécialiste souligne que ce désir présent chez quasiment toutes les femmes se transforme, voire est censuré en fonction de l’histoire de chacune. Viennent également s’ajouter toutes les rationalisations secondaires (on n’a pas les moyens, un seul ça suffit…). Chez certaines, au contraire, ce désir est complètement lâché. Il y a des femmes qui ne se disent heureuses que lorsqu’elles sont enceintes, ont un enfant au sein, ou sont entourées de petits.
Enfanter pour exister autrement ? « Il arrive que les jeunes femmes souhaitent avoir rapidement des bambins pour trouver un statut social, notamment, par rapport à leur propre mère. Cela leur permet d’asseoir leur position, leur pouvoir sur leur propre famille : elles ne sont plus la petite fille et revendiquent leur condition d’adulte. »

Se faire aider et préserver son couple

« Avoir des enfants en bas âge, c’est épuisant. Le quotidien est beaucoup moins lourd quand ils grandissent ou ont un écart important », souligne Myriam Szejer. « Il est vrai que le quotidien est parfois éreintant, surtout les chamailleries, fréquentes avec trois enfants de 6, 5 et 2 ans. D’ailleurs, pour le quatrième, nous attendrons encore un peu », souligne Laura.
Mais les jeunes femmes ont un avantage, elles ont en général plus d’énergie qu’une maman plus âgée. Pour la psychanalyste, le rôle du père est aussi essentiel. « Ce sera beaucoup plus facile s’il la soutient dans les tâches. Le niveau social joue également. Le fait d’être soutenue financièrement compte énormément. » 
Avec une famille nombreuse, le couple est aussi mis à rude épreuve. « C’est très envahissant. Le principal risque de ces fratries en bas âge est de casser l’union des parents. Pour tenir le coup, le couple doit être solide et bien aidé, par la famille notamment. Laura confie : « Nos proches gardent souvent les enfants. Cela nous permet de nous retrouver tous les deux et de souffler. Même si je ne regrette rien, car ce fut à chaque fois un choix, je conseillerais aux jeunes femmes de bien réfléchir avant de fonder une grande famille, à même pas 25 ans. Difficile de profiter pleinement de sa jeunesse avec trois enfants en bas âge… »