Elles sont mamans et handicapées

Publié par La rédaction de PARENTS  |  Mis à jour le par Ysabelle SillyPropos recueillis par Sandrine Didier

Quand on les rencontre, on est submergé par leur force. Leur volonté de dépasser chaque jour le handicap avec lequel elles vivent. Et pour leur enfant, elles déploient des trésors d’énergie et d’inventivité. Joyeuses et confiantes, elles nous racontent leur bonheur d’être mères. 

Florence, maman de Théo, 9 ans : “La maternité était une évidence, mais je savais que le quotidien nécessiterait des astuces…”

« Il m’a fallu beaucoup d’amour, une bonne endurance physique et psychologique pour que mon corps fragile supporte une grossesse. Il m’a fallu aussi une bonne dose de maîtrise, pour passer outre les remarques parfois désobligeantes d’inconnus ou de professionnels de santé. Enfin, j’ai accepté de longues analyses génétiques et une surveillance médicale rigoureuse, pour réaliser la plus belle chose au monde : donner la vie. Ce n’était ni impossible, ni dangereux. C’était en revanche plus compliqué pour une femme comme moi. Je suis atteinte de la maladie des os de verre. J’ai toute ma mobilité et mes sensations, mais mes jambes se briseraient si elles devaient supporter le poids de mon corps. Je me déplace donc en fauteuil manuel et je conduis un véhicule aménagé. L’envie d’être mère et de fonder une famille était beaucoup plus forte que toutes les difficultés.

Théo est né, magnifique, un trésor que j’ai pu contempler dès son premier cri. Ayant refusé l’anesthésie générale, j’ai bénéficié d’une rachianesthésie qui, dans mon cas et malgré la compétence des professionnels, ne fonctionne pas correctement. Je n’étais anesthésiée que d’un côté. Cette souffrance a été compensée par la rencontre de Théo et mon bonheur d’être maman. Une maman très fière aussi de pouvoir l’allaiter dans un corps qui répondait parfaitement ! Je me suis occupée de Théo en développant beaucoup d’ingéniosité et de complicité entre nous. Quand il était bébé, je le portais en écharpe, puis quand il a tenu assis, je l’attachais à moi avec une ceinture, comme dans les avions ! Plus grand, il appelait “voiture transformer”, mon véhicule aménagé équipé d’un bras mobile…

Théo a maintenant 9 ans. Il est câlin, curieux, malin, gourmand, empathique. J’aime le voir courir et rire. J’aime la manière dont il me regarde. Aujourd’hui, il est aussi grand frère. À nouveau, avec un homme merveilleux, j’ai eu la chance de donner la vie à une petite fille. Une nouvelle aventure commence pour notre famille recomposée et unie. Parallèlement, en 2010, j’ai créé l’association Handiparentalité*, en partenariat avec le centre Papillon de Bordeaux, afin d’aider d’autres parents en situation de handicap moteur et sensoriel. Pendant ma première grossesse, je m’étais parfois sentie démunie par manque d’informations ou de partage. Je voulais y remédier à mon échelle.

Notre association, sur fond de sensibilisation au handicap, œuvre et milite pour informer, proposer de nombreux services et soutenir les parents handicapés. Dans toute la France, nos mamans relais se rendent disponibles pour écouter, renseigner, rassurer, lever les freins sur l’handiparentalité et orienter les personnes en demande. Nous sommes mamans autrement, mais mamans avant tout ! »

L’association Handiparentalité informe et soutient les parents handicapés. Elle propose également le prêt de matériel adapté.

Pour moi, ce n’était ni impossible ni dangereux de donner la vie. Mais c’était beaucoup plus compliqué que pour une autre femme.

Jessica, maman de Melyna, 10 mois : “Peu à peu, je me suis positionnée en tant que maman.”

« Je suis tombée enceinte en un mois… Devenir maman, c’était le rôle de ma vie malgré mon handicap ! Très vite, j’ai dû me reposer et limiter mes déplacements. J’ai d’abord fait une fausse couche. J’ai beaucoup douté. Et puis après 18 mois, j’ai été de nouveau enceinte. Malgré l’inquiétude, je me sentais prête dans ma tête et dans mon corps.

Les premières semaines après l’accouchement ont été difficiles. Par manque de confiance. Je déléguais beaucoup, j’étais spectatrice. Avec la césarienne et le handicap de mon bras, je ne pouvais pas prendre ma fille à la maternité quand elle pleurait. Je la voyais pleurer et je ne pouvais rien faire, sauf la regarder.

Peu à peu, je me suis positionnée en tant que maman. Bien sûr, j’ai des limites. Je ne fais pas les choses très vite. Je prends de nombreuses “suées” au quotidien en changeant Melyna. Quand elle gigote, ça peut prendre 30 minutes, et si 20 minutes plus tard, je dois recommencer, j’ai perdu 500 g ! Lui donner à manger si elle a décidé de taper avec la cuillère est aussi très sportif : je ne peux pas lutter à une main ! Je dois m’adapter et trouver d’autres façons de faire. Mais je me découvre des facultés : j’arrive même à lui donner le bain en autonomie ! C’est vrai, je ne peux pas tout faire, mais j’ai mes atouts : je suis à l’écoute, je ris beaucoup avec elle, on s’amuse énormément. »

Antinéa, maman d’Alban et Titouan, 7 ans, et d’Heloïse, 18 mois : “C’est l’histoire de ma vie, pas celle d’une personne handicapée.”

« Quand j’attendais mes jumeaux, je me suis posé de nombreuses questions. Comment faire pour porter un nouveau-né, comment donner un bain ? Toutes les mamans tâtonnent, mais les mamans handicapées encore davantage, car le matériel n’est pas toujours adapté. Quelques proches se sont “opposés” à ma grossesse. En fait, ils s’opposaient à l’idée que je devienne mère, en me disant : « Tu es une enfant, comment vas-tu gérer un enfant ? » La maternité remet souvent le handicap au premier plan, suivent alors les inquiétudes, les culpabilités ou les doutes de chacun.

Une fois enceinte, plus personne ne m’a fait de remarques. Bien sûr, avec des jumeaux, ma famille était inquiète pour moi, mais ils sont arrivés en bonne santé, à terme, et moi aussi j’allais bien.

Le papa des jumeaux est décédé d’une maladie quelque temps plus tard. J’ai continué ma vie. Puis j’ai rencontré mon mari actuel, il a accueilli mes jumeaux comme les siens et nous voulions un autre enfant. Les papas de mes enfants ont toujours été des personnes merveilleuses. Héloïse est née sans souci, elle a tout de suite tété de façon très naturelle, très évidente. L’allaitement est souvent plus compliqué à recevoir par l’extérieur, par l’entourage.

Finalement, mon expérience est que je n’ai pas lâché sur mes désirs profonds de maternité. Aujourd’hui, personne ne doute que mes choix étaient les bons. »

La maternité remet souvent le handicap au premier plan, suivent alors les inquiétudes, les culpabilités ou les doutes de chacun. 

Valérie, maman de Lola, 3 ans : “A la naissance, j’ai insisté pour garder ma prothèse auditive, je voulais entendre le premier cri de Lola.”

« Je suis malentendante profonde de naissance, atteinte du syndrome de Waardenburg type 2, diagnostiqué après une recherche ADN. Quand je suis tombée enceinte, se mêlaient des sentiments de joie et d’épanouissement, combinés à une inquiétude et une angoisse quant au risque important de transmettre la surdité à mon enfant. Le début de ma grossesse a été marqué par la séparation avec le papa. Très tôt, j’ai su que j’allais avoir une fille. Ma grossesse se déroulait bien. Plus la date fatidique de l’arrivée approchait, plus mon impatience et ma crainte de rencontrer ce petit être s’accentuaient. J’angoissais à l’idée qu’elle puisse être sourde, mais aussi que moi-même je n’entende pas bien l’équipe médicale au moment de l’accouchement, que je souhaitais sous péridurale. Les sages-femmes du service ont été d’un grand soutien, et ma famille très présente.

Le travail a été si long que je suis restée deux jours à la maternité sans pouvoir accoucher. Au troisième jour, une césarienne en urgence fut décidée. J’étais apeurée car l’équipe, compte tenu du protocole, m’expliqua que je ne pouvais pas garder ma prothèse auditive. Il était absolument inconcevable que je n’entende pas le premier cri de ma fille. J’expliquais ma détresse et j’ai finalement pu garder ma prothèse après désinfection. Soulagée, je dégageais tout de même un état de stress palpable. L’anesthésiste, pour me détendre, me montra ses tatouages, ce qui me fit sourire ; toute l’équipe du bloc était très enjouée, deux personnes dansaient en chantant pour rendre l’atmosphère joyeuse. Et puis, l’anesthésiste, en me caressant le front, m’a dit : “Maintenant, vous pouvez rire ou pleurer, vous êtes une jolie maman”. Et ce que j’attendais depuis ces longs mois merveilleux d’une grossesse épanouissante arriva : j’entendis ma fille. Ça y est, j’étais maman. Ma vie prenait un sens nouveau devant cette petite merveille de 4,121 kg. Surtout, elle allait bien et entendait très bien. Je ne pouvais qu’être heureuse…

L’anesthésiste, en me caressant le front, m’a dit : “Maintenant, vous pouvez rire ou pleurer, vous êtes une jolie maman”. 

Aujourd’hui, Lola est une petite fille épanouie. Elle est devenue ma raison de vivre et la raison du combat que je mène contre ma surdité, qui décline lentement. Plus engagée aussi, je mène un atelier d’initiation-sensibilisation à la langue des signes, une langue que je souhaite davantage partager. Cette langue enrichit tellement la communication ! Elle peut être par exemple un moyen supplémentaire pour appuyer une phrase difficile à exprimer. Chez les jeunes enfants, c’est un outil intéressant pour leur permettre de communiquer avec les autres en attendant le langage oral. Elle aide enfin à décrypter certaines émotions chez son enfant, en apprenant à l’observer autrement. J’aime cette idée de favoriser la création d’un lien différent entre les parents et les enfants. » 

Oui
il y a 21 jours
Il me traumatise, même. Beaucoup de gens ne veulent pas le reconnaître, et pourtant c'est un devoir de le dire. Parce que depuis des décennies, l'é...
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Photo de profil de Clemence T
36 points
Non
il y a 2 mois
Non cela ne me choque pas. Il faut arrêter de jouer les "précieuses ridicules"! C est une expression TRÈS maladroite mais qui exprime très bien son id...
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