Homoparentalité : la filiation en question

Publié par La rédaction de PARENTS  |  Mis à jour le par

Elodie Moreau, avec les psychanalystes Jean-Pierre Winter, auteur de « Homoparenté », Ed. Albin Michel, et Geneviève Delaisi de Perceval, auteure de « Famille à tout prix », Ed Seuil.

Qu’il se prononce pour ou contre l’homoparentalité, les psychanalystes Jean-Pierre Winter et Geneviève Delaisi de Perceval insistent sur un point : la connaissance des origines est essentielle pour le développement psychique de l’enfant. « L’homoparentalité n’est pas un problème en soi », explique Geneviève Delaisi de Perceval. « En fait, c’est la question des origines, les mystères et les non-dits propres à l’histoire de l’enfant qui peuvent créer des troubles. Il ne peut se construire sur un mensonge. On retrouve d'ailleurs ce même problème chez les hétérosexuels ayant recours à l’insémination avec donneur anonyme », souligne-t-elle. « Je pense qu’il est essentiel que la troisième personne (donneur ou mère porteuse) soit reconnue, non pas en tant que parent, mais il faudrait lui offrir un statut digne et respectueux. » La psychanalyste est contre l’insémination avec donneur anonyme car selon elle, « les enfants se heurtent tout au long de leur vie à des difficultés. [...] Le système britannique ou australien, donnant accès à l’origine des donneurs à la majorité de l’enfant est bien plus favorable », selon elle. « La question de la tierce personne est moins tabou chez les couples homosexuels hommes. Leur seul recours, c’est la gestation pour autrui et on ne peut pas « anonymiser » une mère.

« On ne peut pas aller contre les lois de la filiation »

Si l’explication et l’accès aux origines suffiraient pour Geneviève Delaisi de Perceval, Jean-Pierre Winter estime, de son côté, qu’on ne peut pas aller contre les lois de la filiation ». « Je ne suis pas totalement mécontent du projet gouvernemental. Il s’agit de faire une  expérience de l’adoption homoparentale, sans prévoir de PMA pour les couples homosexuels. Je trouve cela normal car l’homosexualité n’est pas une maladie de la stérilité », explique le spécialiste. « L’adoption fait des parents des éducateurs, il n’y a pas de fiction, on sait que l’enfant est né d’autres parents. Le rôle de l’éducation est beaucoup moins important que ce qu'on imagine. En revanche, tous les enfants se demandent d’où ils viennent, et ce, dès le plus jeune âge. Ils commencent par regarder secrètement dans la chambre des parents. Et très tôt, dans les familles homoparentales, les petits comprennent que leurs parents ne peuvent pas avoir d’enfant », ajoute le psychanalyste. « En apprenant qu’il a été conçu à partir d’un donneur de sperme ou qu’il s’est développé dans le ventre d’une femme, l’enfant aura le sentiment d’avoir été fait sans désir, d’être le produit d’un être humain, conçu grâce à un instrument biologique. Dans ces situations, transmettre les mots de la filiation  devient difficile », souligne le spécialiste. « Cela crée une fiction de plus. » Mais Jean-Pierre Winter va encore plus loin : cela peut perturber les enfants au moment où ils voudront à leur tour en avoir. « Comment transmettre la vie quand il y a eu mensonge ou rupture de transmission ?
Au final, l’homoparentalité divise toujours les spécialistes. La question des origines de l’enfant doit avant tout être tranchée.

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