Ces bébés qui dorment dehors en plein hiver

Publié par Gaëlle Guernalec-Levy  |  Mis à jour le par

Pour les Suédois, les Danois ou les Islandais, c’est une évidence: pendant la journée, les bébés dorment mieux à l’extérieur, même quand les températures affichent des valeurs négatives. Une pratique adoptée par la pédagogie Lóczy et qui a même des adeptes en France (où il fait quand même un peu plus chaud).

Quand les tout-petits font la sieste... à l'extérieur

Des bébés emmitoufflés qui font la sieste dehors alors que les températures avoisinent zéro degré… Faut-il appeler les services sociaux ? Non, pas vraiment, à moins de vouloir placer la moitié des nourrissons scandinaves. Car dans les pays nordiques –au contraire de nos contrées où les moindres frimats nous paralysent-, faire dormir les enfants dehors, même en plein hiver, ne relève pas de la maltraitance. Il s’agirait d’une tradition centenaire censée garantir un sommeil réparateur et une meilleure santé. Dans les jardins des crèches de Stockholm il est habituel de voir des rangées de landaus dans la neige.A Copenhague, lorsque les familles ou les amis se retrouvent dans les cafés,  les adultes entrent à l’intérieur boire leur consommation et les bébés restent dormir dehors. On considère en effet que l’air confiné des logements, des services publics ou des restaurants nuit aux tout-petits.Petur, 38 ans, est Islandais.  « Je suis né au mois de novembre, on ne  m’a pas fait dormir dehors tout de suite mais au bout de quelques mois, dans une petite cour ensoleillée. Et ça se fait encore beaucoup. Les gens utilisent les balcons ou des endroits où ils peuvent surveiller les bébés. Mais attention, on tient compte du temps qu’il fait. Si les températures sont vraiment basses, les enfants sont bien couverts.  C’est une pratique qui remonte à loin quand les maisons traditionnelles étaient en tourbe et mal aérées, que la cuisine se faisait à l’intérieur à feu couvert. Il était considéré comme plus judicieux pour les enfants qu’ils soient à l’extérieur.» 

Dormir dehors, à l’abri de la pollution intérieure

L’habitat s’est transformé mais la tradition est restée. Et étant donné les dernières études sur la pollution intérieure, ce n’est peut-être pas si bête. En France, l’observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) a réalisé en 2006 une étude portant sur 486 foyers. La majorité des polluants ont été observés dans l’ensemble des logements étudiés. La plupart des composés organiques volatiles (COV) se retrouvent dans 80 à100 des habitations. Or il existe un lien très net entre la fréquence de l’asthme t de la rhinite et l’exposition aux COV. 22 des logements dépassent la valeur maximale proposée au niveau européen pour le formaldéhyde. Une étude de l’Inserm publiée en mars 2012 montre également  que 30 des enfants des écoles primaires françaises sont exposés à des niveaux de polluants de l’air intérieur supérieurs au valeurs recommandées par l’OMS et l’ANSES. Ce qui a, toujours selon cette étude, des conséquences directes sur la prévalence des rhinites et des asthmes allergiques.

Des siestes plus longues à l’extérieur

Faire dormir les enfants à l’extérieur présente-t-il d’autres bénéfices ? Un chercheur finnois, Marjo Tourula, a publié en 2011 une vaste étude sur cette coutume. Il a notamment conclu que les siestes des enfants dormant à l’extérieur duraient plus longtemps. «  La restriction des mouvements en raison des vêtements d’hiver, comme dans les cas d’ emmaillotage, augmente la durée du sommeil et peut aider les enfants à se rendormir seuls, sans l’intervention des parents ». Autre enseignement : une quantité suffisante de vêtements combinée à l’utilisation d’un landau procure un niveau suffisant d’isolation pour une température ambiante de -17° ( !). Mais le chercheur estime qu’au-delà de -5 degrès, la sieste ne doit pas dépasser 3 heures.Il a également noté que cette habitude  favorise le bien-être de la famille en instituant un rythme particulier et en facilitant le quotidien. 

La sieste en extérieure reprise par la pédagogie Lóczy

Dans cette pouponnière de la région parisienne où l'on s'inspire de la pédagogie Pikler-Lóczy, les bébés dorment dehors, même lorsque le thermomètre affiche 2°C. Comme ce jeudi 28 février 2013, jour où a été prise cette photo. 

Cette pratique n’est pas l’apanage des pays du nord. Elle a également gagné l’Europe de l’Est. La pédagogie Lóczy(du nom de cette pouponnière hongroise où la pédiatre Emmi Pikler a mené un travail approfondi sur les bébés et leurs besoins en motricité libre) fait elle aussi dormir les bébés dehors.  « La vie en extérieur est très favorisée par cette approche, explique Myriame Rasse, psychologue en crèche et directrice de l’association Pikler-Lóczy.Elle permet les déplacements, les grands mouvements, elle a une fonction de régulation du rythme et même de  l’agressivité. Pourquoi faire dormir les enfants dehors ? Pour leur permettre de changer d’air, pour les effets bénéfiques sur la santé.Quand l’hiver les parents sortent faire des courses ou en balade, avec leur bébé, ils peuvent constater que leur enfant dort dans sa poussette ou son landau, même quand il fait froid .» A Lóczy, on considérait même que les enfants atteints de bronchite avaient droit à une double ration de sieste en extérieur ! « Mais attention, prévient Miriam Rasse, tout cela était très pensé. Le personnel fabriquait lui même les sacs de couchage pour que les enfants puissent sucer leur pouce, il s’agissait d’un emmaillotage très particulier. Les bébés ne savent pas réguler eux-mêmes leur température, les vêtements étaient donc très adaptés.» 

En France aussi !

Dehors, oui, mais bien emmitoufflés! Toujours la même pouponnière française, le même jour.

Carole, pédiatre exerçant dans des crèches de région parisienne a institué la sieste en extérieur jusqu’à ce qu’un changement de municipalité l’oblige à faire marche arrière.. « Les enfants dormaient plus longtemps, ils respiraient mieux, ils avaient moins d’ affections de la sphère ORL». Là aussi, l’application des principes d’Emmi Pikler ont fait l’objet d’une réflexion approfondie. Les vêtements, dont des doudounes, étaient commandés au Vieux Campeur. Le meilleur moment de la journée était choisi, en général autour de midi. Les jours de brouillard, de vent ou d’humidité, les enfants dormaient à l’intérieur. «  Le froid en soi n’est pas un problème, assure cette pédiatre, c’est la sensation de froid qui en est un.  Il faut donc l’éviter à tout prix. Et il faut être à l’écoute des enfants, il ne s’agit pas de tomber dans le systématisme. Ce qui nécessite un dialogue permanent au sein des équipes, une proximité de l’encadrement. Ce que j’ai pu constater : les enfants étaient plus calmes, plus détendus, ils se mettaient moins en danger pendant les phases d’éveil.» Evidemment il a fallu convaincre les parents, le sommeil étant associé à une phase de vulnérabilité. « On peut très vite avoir le fantasme qu’on abandonne des enfants dans le froid, explique la pédiatre. Il faut donc en permanence avoir un œil sur la santé de l’enfant pour apporter les preuves de son bien-être physique ». 

Alors, tentés ?

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