La puériculture high-tech pour les parents geeks ou stressés

Publié par Marie de Laitre  |  Mis à jour le

Surveiller bébé, un peu, beaucoup…Trop.

Babyphone avec caméra, vêtement avec capteurs, pèse-bébé relié à un i-phone… On assiste aujourd’hui à une explosion d’accessoires très pointus, alliant électronique et numérique. Leur objectif : recueillir le maximum de données sur la santé de l’enfant et les transmettre en temps réel, surveiller le bébé à distance et maintenir un contact permanent avec lui.

Les pleurs d’un bébé, et particulièrement ceux de faim, n’ont pas besoin d’amplificateur pour se faire entendre. En revanche, si vous êtes sur votre terrasse ou si vous organisez une soirée, le babyphone vous permet de vaquer à vos activités en toute quiétude pendant que bébé dort. Aujourd’hui il devient même décoratif, sophistiqué et tendance ! En plein essor, le marché de la puériculture hi-tech au service du suivi et de la surveillance des tout-petits étonne par l’étendue de sa gamme et par sa sophistication. Selon la marque Visiomed, les principaux acheteurs sont de jeunes parents primipares. La génération Smartphone, i-phone et tablette fait évoluer l’offre vers ces produits hi-tech, parfois bien utiles. En effet, quoi de plus pratique qu’une balance électronique qui établit une courbe de croissanceet l’envoie sur votre i-phone ou une tétine qui affiche en quelques minutes la température corporelle du tout-petit ?
Si les nouvelles technologies ont envahi le berceau de bébé, elles font aussi une incursion au sein des modes de garde.Certaines crèches sont aujourd’hui équipées de webcam pour permettre aux parents de suivre les activités de leur enfant pendant la journée. Récemment, une crèche parisienne a même investi dans des vêtements munis de puces, afin de pister les enfants dont elle a la charge ! Forcément, en constatant le développement massif de ces nouveaux produits et cette tendance à tout contrôler, souvent à distance, on s’interroge. Ce n’est plus Big Brother mais Big Mother. C’est la mère douée d’ubiquité, omnisciente, partout à la fois. Et il n’est pas certain que ce soit bon, ni pour les parents, ni pour l’enfant.

Une tétine pour prendre la température de bébé

Des parents rassurés…ou encore plus angoissés
Car ces objets censés être au plus près des besoins du tout-petit et faciliter la vie des parents peuvent aussi apparaître comme terriblement anxiogènes. Caméras, capteurs, recueil de données en tout genre, vérification permanente (avec envoi sur l’i-phone) du poids, du rythme cardiaque, des mouvements respiratoires, de la température… Ces accessoires maintiennent les parents dans une vigilance de tous les instants, un "qui-vive" permanent, et risquent de les faire passer d’une attention nécessaire à une inquiétude exacerbée. Surtout que ces objets de plus en plus "intelligents" ne sont pas forcément très fiables. Elizabeth Briand-Huchet, pédiatre spécialisée sur la mort subite du nourrisson, commente par exemple cette turbulette munie de capteurs censée prévenir la mort subiteen détectant les arrêts respiratoires. "C’est physiologique. L’enfant fait des pauses respiratoires, appelées début de malaises, dont il se remet tout seul. Mais ce ne sont pas forcément ces pauses qui entrainent la mort subite".

Babyphone avec veilleuse intégrée, haut-parleur et berceuse

Une entrave au développement psychique du bébé
"C’est le bien-être des parents qui est visé par les marques, pas celui de l’enfant, rappelle le psychanalyste Michaël Stora. Or, les parents développent une sorte de fragilité narcissique : par peur de ne pas être aimés par leur enfant ils cherchent des solutions pour être à son écoute et lui procurer tout le bien-être possible". Cette puériculture inspirée par les nouvelles technologies vient donc s’engouffrer dans cette "faille narcissique" et avivent une angoisse déjà très présente. Ce qui n’est pas sans retentissement sur l’enfant lui-même. L’anxiété parentale se reporte sur le bébé et cette omniprésence des adultes peut entraver son développement psychique. "Petit à petit un bébé doit pouvoir se représenter l’absence de ses parents et s’affranchir d’eux, c’est une étape importante de son processus d’individualisation", pose Michael Stora. Si la maman accourt dans la chambre au moindre cri, si elle est en contact permanent avec son bébé, même lorsqu’il est gardé par une autre personne, il risque de développer lui-même un comportement anxieux. Pas facile d’affronter la fin, nécessaire, de la fusion mère-enfant, si l’on est en permanence relié à son bébé par écrans interposés… Il faut savoir couper le cordon, même virtuel.
Autre risque soulevé par Elizabeth Briand-Huchet : si tant d’objets de surveillance hi-tech prolifèrent, les parents ne vont-ils pas s’en remettre à la technologie et finir par négliger inconsciemment les gestes de sécurité les plus essentiels ?