L’esprit Montessori à la maison

Publié par Sylviane Deymié  |  Mis à jour le par

On connaît bien la pédagogie Montessori par le biais des crèches et des écoles qui se multiplient en France. Et de plus en plus de mamans tentent de s’en inspirer. Le but ? Un développement harmonieux, sécurisant et plein de confiance en soi, pour aider l’enfant à aller de l’avant. 

La méthode Montessori séduit les mamans

Première femme médecin italienne à l’aube du XXe siècle, Maria Montessori s’est d’emblée occupée d’enfants en difficulté, dits à l’époque “arriérés” ou laissés pour compte. Elle s’est alors attachée à comprendre le fonctionnement de l’enfant, ses attentes, ses "moteurs" de développement vitaux. Pour eux, elle a mis sur pied une pédagogie, une philosophie même, basée sur l’observation, l’écoute et la valorisation de l’autonomie de l’enfant. A la fin de sa vie, exilée en Inde (on est à l’aube des années 50), elle voit comment les femmes indiennes portent leurs bébés et s’en occupent. Et cela l’a sûrement aidée à étendre ses préceptes et ses intuitions au tout-petit, dès la naissance. Car en fait, la pédagogie Montessori, c’est une façon d’être en relation avec l’enfant, et de le considérer. Du haut de son propre potentiel. Immense.

Les grands principes adaptés au nourrisson

Maria Montessori a une vision particulière de l’enfant, née de son observation. Elle a emmagasiné une somme de connaissances pour répondre aux besoins du tout-petit avec toujours plus de respect. Le grand principe ? Ne pas lui imposer de choses mais, au contraire, le laisser aller au-devant des expériences en développant son autonomie. Évidemment, à la naissance, le bébé est loin d’être indépendant. Il a besoin d’une aide importante et il est difficile alors de parler d’autonomie. Mais pour Maria Montessori, ce n’est pas l’adulte qui construit l’enfant. Il n’a pas à le "remplir" de l’extérieur. Car le nouveau-né porte déjà en lui tout ce qu’il faut pour évoluer. Il n’a pas besoin d’un adulte pour un jour savoir marcher, par exemple ! En fait, il n’est pas indépendant, mais capable, potentiellement, de bien plus de choses qu’on ne l’imagine. L’adulte pense souvent que le bébé n’est rien sans lui. Et la plupart du temps, on l’installe plus ou moins assis dans un transat, une chaise haute, où il est restreint dans sa liberté de mouvement. Pourtant, lorsqu’il est laissé libre, posé sur un tapis ou dans les bras, il est parfaitement bien, et peut ainsi observer à son aise et bouger très tôt.
Pour Maria Montessori, l’enfant est un "esprit absorbant" qui a une capacité extraordinaire à acquérir des connaissances. Si tant est qu’on lui permette de le faire. Elle a divisé ses six premières années en périodes dites sensibles, bien différenciées. Ainsi, de la naissance à 1 an, c’est la période du mouvement, de 1 à 4 ans, de la motricité fine, jusqu’à 6 ans, du langage, de l’ordre, de la socialisation et des apprentissages sensoriels.

Une chambre zen

Dans la pédagogie Montessori, l’environnement du tout-petit est important. On n’intervient pas directement sur l’enfant, mais par le biais de l’ambiance que l’on a créée autour de lui. Epuré, son univers doit être ordonné, en réponse au besoin d’ordre de l’enfant. En effet, il ne connaît rien en arrivant au monde. Il lui est plus facile d’intégrer l’ordre de la nature que le désordre. Durant sa première année, si son environnement change, il doit en recommencer l’ordonnancement. Mieux vaut donc ne pas trop changer la déco au début. Dans sa chambre, idéalement, il n’a pas besoin de grand-chose. Celle-ci doit être zen. On y trouve un espace qui constitue l’aire du sommeil. Là, pas de stimulation : une petite photo au mur, un panier en bout de lit avec quelques objets. C’est suffisant. Montessori préconise juste un lit au sol. Les deux premiers mois constituent une période spécifique où le bébé est en symbiose avec sa mère, une période qui poursuit les neuf mois in utero. Recréer une continuité avec cette proximité va lui donner un sentiment de confiance. Pour cela, on peut alors poser le couffin par terre, juste à côté de la mère.

Après quelques semaines, le bébé bouge davantage, écarte les bras… Il lui faut plus de place. D’où le matelas posé à même le sol. S’il dort ainsi, il prend conscience de son espace. Installé de cette façon, il ne peut pas tomber. Ses capacités de mouvement vont grandir avec lui, naturellement, progressivement et sans entrave. Ce lit constitue un mini-investissement, mais un très grand pas pour le bébé, qui devient autonome. En effet, à 6-7 mois, lorsqu’il se réveille, il rampe, il explore quelques jouets posés près de lui, ce qui l’amène à maîtriser son univers, à son niveau. Bien sûr, une telle liberté de mouvement va de pair avec la sécurisation des lieux. Il faut en faire le tour pour que l’enfant n’ait accès à rien de dangereux, et bien fermer la porte de la chambre. A côté de l’ambiance de sommeil, on délimite un "espace de vie", avec un autre petit matelas ou tapis pour créer un lieu d’activités pour ses moments d’éveil. A partir de 2 mois environ, on y suspend un mobile. Car quand le bébé a été suffisamment avec sa mère, rempli d’amour, il va pouvoir se tourner vers le monde et observer… par exemple un mobile ! Au départ, accroché à 20-30 cm de lui, car sa vision n’est pas encore très développée.

Entre jeu et travail

Dans la méthode Montessori, on ne distingue pas le travail du jeu. Pour l’enfant, il n’y a pas de différence : tout est travail de construction. Nous, adultes, avons divisé d’un côté le travail, rébarbatif, et de l’autre, le jeu, pour s’amuser. L’enfant, lui, travaille en permanence à sa propre construction. Et le matériel d’éveil qu’on lui propose – mobile, hochet, balle… – lui permet de découvrir le monde qui l’entoure. Les petits jeux d’encastrement et d’enfilage sont appréciés car les tout-petits aiment développer leur motricité fine. L’important : lui proposer une seule activité à la fois. Contrairement à ce que l’on pense souvent, l’enfant peut rester concentré longtemps et faire preuve de beaucoup d’attention. Si on ne le dérange pas ! On déplore parfois qu’il papillonne, ne se concentre pas. Mais en fait, en essayant de “meubler” l’enfant, l’adulte va le détourner de sa concentration. En effet, il peut sembler ne rien faire alors qu’il contemple la plante sur le balcon dont les feuilles oscillent au vent. Et cette activité silencieuse doit être respectée car il est en train d’apprendre quelque chose. Nous, parents pressés, avons parfois peu d’égards pour ce que l’enfant réalise. On voit son activité comme un jeu pas important… par rapport à ce que l’on est en train de faire soi-même. En croyant bien faire, on intervient pour proposer autre chose, avec des bonnes intentions. Par exemple, si une amie vient nous voir à la maison, on trouve naturel de prendre notre bébé pour le lui présenter. Mais peut-être était-il en train d’observer ses mains, donc en pleine construction ? A force, on “égratigne” sa capacité de concentration.

Du matériel d’éveil adapté

Maria Montessori a mis au point des jouets adaptés aux différents âges des enfants. Ils sont simples et constituent le reflet de son observation des petits. A chacun correspondent une activité, une finalité et un apprentissage. La boîte à forme unique par exemple, dans laquelle on met une boule, qui ressort, lui donnant ainsi la notion si importante de cause à effet. Le principe est de présenter une activité, avec un début et une fin clairs, dont il connaît toutes les étapes. Cela permet la répétition, et la concentration nécessaire pour aller ensuite plus loin. Là encore, l’adulte pense au contraire que les enfants s’ennuient et veulent de la nouveauté en permanence. On leur propose des tas de jeux différents sans toujours leur laisser le temps d’en faire le tour. Il faut au contraire leur permettre de revenir à leurs anciens jeux, faire une rotation pour découvrir un ancien hochet, par exemple pour qu’ils le redécouvrent avec leurs nouvelles capacités. En fait, avec ces jeux simples, l’adulte n’apporte pas de réponse sur un plateau en disant il faut faire ci, il faut faire ça. L’enfant cherche par lui-même et trouve la réponse tout seul. Cette découverte par lui-même à son propre rythme développe sa confiance, sa concentration et sa curiosité pour le monde… et lui enseigne pour plus tard qu’apprendre et travailler, c’est intéressant et génial.

Développer son imaginaire

Très tôt, on chantonne des berceuses, on raconte des petites histoires aux bébés. Pour Maria Montessori, on n’intervient jamais dans l’imaginaire de l’enfant. Il va construire le sien par rapport aux expériences du réel. Entre 0 et 3 ans, c’est la phase où l’enfant construit son identité. Depuis sa naissance, lorsqu’il était un bébé incapable de coordonner ses mouvements, jusqu’à 3 ans, où il se tient debout, dit "je" et sait prendre un objet d’une main, il s’est forgé les bases essentielles pour sa vie future.
Intéressé par le monde réel, il doit comprendre comment celui-ci fonctionne (c’est vital !). Contrairement à nous, il ne connaît pas encore son environnement. Pour lui, il est fantastique de simplement nous voir tourner un robinet d’eau ! Du coup, si on lui lit un livre où un animal est habillé et parle, le tout-petit n’a pas les moyens de savoir que cela n’existe pas en vrai. Il ne fait pas encore la part des choses. Et devra plus tard réapprendre le contraire.
A 6 ans, oui, il peut apprécier ces histoires d’animaux parlants car il s’est alors déjà construit la réalité, et de ce fait, va vers les autres. Il est intéressé par les mythes, les religions, l’abstraction, après avoir intégré les bases concrètes du monde. Au départ, choisissez une histoire créative, artistique, mais ancrée dans le réel, avec un vrai personnage, un objet connu, un bébé qui fait quelque chose de précis. Il pourra ainsi mieux se projeter dans l’histoire.

Des soins interactifs au quotidien

Les mêmes principes d’observation, de "laisser faire seul", s’appliquent aussi pour ce qui concerne les soins, la toilette ou le repas. Cela demande une présence des parents davantage dans l’observation que dans l’action, pour ne pas intervenir trop vite et ne pas anticiper le mouvement naturel du bébé. Et quand il est devenu capable de faire par lui-même, on n’agit plus à sa place. Le meilleur exemple est celui de la séance d’habillage. Les premières semaines, le nouveau-né bouge peu. Pourtant, on peut lui dire « Je vais mettre ton pantalon, j’enfile la jambe droite, peux-tu enfiler ta jambe ? », puis attendre un instant pour voir s’il réagit. Très vite, il va participer. En fait, on encourage ainsi la coopération, un mot très important pour la phase de développement 0-3 ans. L’idée, c’est de  laisser son hochet à proximité plutôt que de le lui donner d’emblée dans les mains, ou de poser sa sucette tout près de lui au cas où il veuille s’en servir, mais sans lui mettre d’office dans la bouche… Toujours dans l’esprit fondateur de la pédagogie Montessori : aide-moi à faire tout seul ! 

Pour poursuivre l’aventure

60 activités Montessoripour mon bébé
Activités et organisation de l’espace, de la naissance à 15 mois, par Marie-Hélène Place, spécialiste de cette pédagogie. Ed. Nathan, 11,90 €.

Le Kit des 4 mobiles
Du plus simple en noir et blanc au plus évolué avec des formes complexes, les 4 mobiles inventés par la pédagogue suivent l’évolution du bébé. A monter soi-même. Kit Nature et Découvertes, 34,95 €.

Mon coffret bébé Montessori
Créé par Eve Hermann, il contient le mobile papillon, dix grandes cartes aux formes simples et aux couleurs contrastées et un livret. Dès 4 mois. 22,90 €, éd. Nathan.

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