Jumeaux : un développement différent des enfants uniques

Publié par Christine Diego  |  Mis à jour le par Avec Isabelle Sudre, présidente de la Fédération Jumeaux et Plus.

Tous les parents de jumeaux le savent, élever un duo d’enfants, qui se ressemblent ou pas (vrais ou faux jumeaux), ce n’est pas comme élever un enfant unique. En effet, leur mode de développement se distingue par quatre étapes spécifiques. Explications avec Isabelle Sudre, présidente de la Fédération Jumeaux et Plus. 

Comportement des jumeaux : l’étape de fusion gémellaire

Entre la naissance et 2 ans, les jumeaux vont connaître une première phase dite de « fusion gémellaire ». Fabrice Bak, psychologue et spécialiste de la gémellité parle même d’ « entité » gémellaire. Il s’agit d’une étape qui n’existe pas chez l’enfant unique. Cette étape supplémentaire peut entraîner un petit retard dans le développement des enfants, qui passe le plus souvent inaperçu et est souvent rattrapé très rapidement. En fait, les enfants vont se développer en tant qu’entité, « être à deux », bien plus qu’individuellement. « Les parents de jumeaux savent combien il est difficile de s’occuper de jumeaux en bas âge, de leur accorder la même attention, les même sollicitations. Par exemple, lorsque les deux enfants pleurent, c’est très compliqué de les considérer comme étant à la source de deux demandes distinctes et individuelles. Bien souvent, si l’un est changé, l’autre le sera aussi. Si l’un est nourri, l’autre le sera aussi » explique Isabelle Sudre, présidente de Jumeaux et Plus. Ainsi, l’étape initiale d’unification au sein de l’entité gémellaire est considérée pour les spécialistes comme fondatrice du lien entre les enfants jumeaux.

Entre 2 et 6-7 ans, l’étape de complémentarité des jumeaux

Ensuite, entre 2 et 6-7 ans, les jumeaux passent par une phase dite de « complémentarité ». A ce moment-là, un des jumeaux prendrait l’ascendant sur l’autre. Dans les années 60, le psychologue René Zazzo, grand spécialiste des jumeaux, évoquait un développement gémellaire sous la forme d’un rapport « dominant vs dominé ». Aujourd’hui, les experts pensent que ce fonctionnement n’est pas figé et ne cesse d’évoluer. Selon Isabelle Sudre, « par nécessité de différencier les jumeaux entre eux, les parents cherchent à leur attribuer des caractéristiques qui leur sont propres ». A cet âge, la pensée de l’enfant commence à se structurer ainsi que sa personnalité. Isabelle Sudre précise que « les enfants vont être sollicités l’un après l’autre. Un des jumeaux va donc évoluer, mais l’autre va se trouver dans une position de spectateur et non pas d’acteur ». Il faudra qu’il attende d’être à son tour sollicité pour arriver au même niveau. Les sollicitations n’étant jamais exactement identiques envers l’un ou l’autre enfant, le développement de leur personnalité va donc se faire par paliers successifs. Ce mode de construction s’effectue par « à-coups ». Les spécialistes justifient d’ailleurs le retard des enfants jumeaux dans leur développement par cette maturation, en décalé, bien plus longue que chez les enfants uniques. Cette période de la complémentarité est fondamentale. Elle permet aux enfants de passer par un niveau de transition avant d’accéder à l’autonomie complète.

L’autonomie des jumeaux : une première étape vers 6/7 ans

La période suivante, celle de l’autonomie, va permettre aux jumeaux, chacun leur tour, de se retrouver au centre des interactions. À ce moment-là, ils vont connaître une certaine forme d’autonomisation. Les sollicitations vont se diversifier au cours de cette période. Elles vont toucher chaque enfant en tant qu’individu et non plus comme « entité gémellaire ». La scolarité par exemple apporte un rééquilibrage. Et le retard amorcé au cours des périodes de développement précédentes va s’atténuer. Les jumeaux vont être différenciés, et considérés comme ayant une personnalité bien distincte. « Chez Jumeaux et Plus, nous conseillons de laisser les jumeaux ensemble aux rentrées scolaires charnières (maternelle, CP et 6e) » précise Isabelle Sudre. Elle conseille d’ailleurs aux parents d’envisager la séparation des jumeaux doucement. « La séparation physique n’est pas LA réponse au bon développement des jumeaux. C’est une action lourde de conséquences qui doit être bien pensée avant sa mise en œuvre et discutée avec les enfants ».

Développement des jumeaux : une seconde phase d’autonomie après 12-13 ans

Cette seconde étape, qui débute à l’adolescence, marque la capacité pour les jumeaux de vivre leur propre vie, avec leurs envies, en dehors de l’approbation ou de la présence de son jumeau. Cette autonomie dite complète permet aux jumeaux de construire une relation affective avec une tierce personne. Pour Fabrice Bak « C'est l'achèvement de l'affirmation de soi en tant qu'individu. Aussi, même si cette relation de couple, totalement différente de la relation gémellaire, ne remplace pas cette dernière, elle implique néanmoins une séparation des jumeaux ». Autre changement : la crise d'adolescence. A ce moment-là, les enfants traversent un moment de leur vie où il est question de redéfinir la relation qui les unit à leurs parents. Les jumeaux ados le feront également avec leur frère ou sœur. Au final, les experts insistent sur le fait que, même si les jumeaux finissent par développer leur propre personnalité et mener une vie autonome, ils restent tout de même liés toute leur vie, de par leurs ressemblances physiques et intellectuelles qui influencent considérablement leur existence, et a fortiori lorsqu'il s'agit de vrais jumeaux. Sophie, une jeune femme jumelle, témoigne : « Ma sœur vit à Rennes et moi à Paris. Dès que l’une d’entre nous traverse un moment difficile dans sa vie, on le sent et on s’appelle tout de suite pour en parler. De toute façon, on se téléphone tous les jours ou presque ! ».

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