Ramadan et allaitement : peut-on jeûner si on allaite de façon exclusive ou mixte ?

Publié par Elodie-Elsy Moreau  |  Mis à jour le par Barbara Benattasse

En collaboration avec Edwige Antier (Pédiatre et autrice)

Pendant le ramadan, période de jeûne dans la religion musulmane, certaines mamans se demandent si elles peuvent continuer à allaiter leur bébé. Cette période peut-elle comporter des risques pour le bébé ou la mère ? Réponses de la pédiatre Edwige Antier.

S’il est possible dans les pratiques religieuses musulmanes de dispenser une femme allaitante - au même titre qu’une femme enceinte ou qu’une personne malade - de suivre le jeûne de la période du ramadan, certaines mamans peuvent vouloir à la fois allaiter et jeûner. Est-il possible de continuer à allaiter si on suit un jeûne comme celui institué par le ramadan ? Cela pourrait-il comporter des risques pour bébé ou pour maman ?

Faire le ramadan : est-ce qu’une femme qui allaite peut jeûner ?

Parents.fr : Une jeune maman souhaitant continuer l’allaitement pendant le ramadan doit-elle demander l’avis de son ou sa médecin ? Quelles sont les principales contre-indications ?

Edwige Antier : La maman doit en effet absolument avoir un avis médical. Et ce particulièrement si bébé est né prématurément, est en difficulté de croissance, souffre d’une carence en fer, ou est sujet à des troubles digestifs. Le jeûne de la maman pourrait dans ces derniers cas avoir des conséquences néfastes sur sa santé.

Parents.fr : En cas d’allaitement mixte ou exclusif, quels sont les risques pour bébé pendant la période du ramadan ?

E.A. : Un bébé de 0 à 6 mois, entièrement allaité par sa mère, est en plein développement et a besoin de tous les bons nutriments du lait maternel pour bien grandir et faire en sorte que son cerveau, ses globules… se développent normalement. Si la mère ne jeûne que la journée et si elle s’alimente bien la nuit, son corps fabriquera le lait maternel demandé par l’enfant. Malgré tout, parfois, les besoins du nourrisson en fer ou en calcium, par exemple, ne sont pas couverts. C’est pourquoi l’avis d’un médecin s’impose.

Si bébé est un peu plus âgé et que la diversification alimentaire a débuté ou si on pratique un allaitement mixte en alternant tétées et biberons, il faut être vigilant sur l’équilibre des plats servis à côté de l’allaitement et vérifier que bébé ne montre pas de signes de carence. Si tel est le cas, il faudra réaliser la préparation des repas en fonction de cela.

Parents.fr : y a-t-il des risques pour la maman qui allaite pendant le jeûne du ramadan ?

E.A. : Elle peut s’affaiblir, développer des carences pour ses os, ses dents, ses cheveux… Un bébé pompe tout ce qu’il peut ! En cas d’allaitement mixte ou de nourriture diversifiée (tétées + repas équilibrés), le risque de carences est moindre, mais il reste réel pour l’enfant comme pour la maman.

Lactation : quel impact sur le lait maternel ?

Parents.fr : Le lait maternel est-il moins nourrissant pendant la période de jeûne de la maman ? Comble-t-il les besoins quotidiens du bébé ?

E.A. : Le jeûne n’altère pas, selon les études menées à ce jour, la qualité du lait maternel. Le lait se fabriquera au détriment de la santé de la mère, plus que du nourrisson. Mais cela ne peut fonctionner que sur une courte durée, et si la mère compense exactement la nuit ce qu’elle aurait dû manger le jour.

Parents.fr : Quels signes peuvent montrer que notre enfant n’est pas rassasié ?

E.A. : Il demandera plus, il aura des pleurs persistants et voudra rester au sein, car c’est sa succion qui fait fabriquer plus de lait. Si on ne le laisse pas téter autant qu’il veut, si l’on ne cesse pas le jeûne devant ces signes, ou si l’on ne complète pas les tétées par du lait infantile, le bébé peut s’épuiser, s’étioler, maigrir, devenir pâle et finir par ne plus réclamer. Sa santé est alors gravement en danger. Du côté de la maman, l’allaitement se tarit petit à petit et ne pourra être repris après la fin du jeûne.

Parents.fr : Que faire si notre nouveau-né est un « gros mangeur » ?

E.A. : Si la diversification alimentaire est commencée, on complétera alors l’allaitement par des repas diversifiés et une alimentation équilibrée. S’il s’agit d’un tout-petit, dont la diversification alimentaire n’est pas commencée, on doit compléter avec des biberons, tout en prenant garde à ce que l’allaitement maternel ne se tarisse pas.

Islam : quelle alimentation pour la femme qui allaite ?

Parents.fr : Quels aliments une mère qui allaite pendant le ramadan doit-elle privilégier ?

E.A. : L’eau, le lait et les produits laitiers, pour le calcium et les protéines. La viande, pour le fer.

Parents.fr : Doit-elle manger ou boire plus que d’habitude pendant la période du ramadan ?

E.A. : Si elle mange ou boit la nuit autant qu’elle aurait mangé ou bu la journée en temps normal, elle aura autant de lait pour son enfant, et d’aussi bonne qualité. Il ne faut pas qu’avec le besoin de sommeil, elle oublie ou n’ait pas la force de manger assez.

Témoignage : « J’allaite et je fais le ramadan ! »

Une maman anonyme témoigne de la façon dont s’est déroulé son premier jeûne tout en allaitant sa fille de 3 mois et demi : « J’ai décidé de jeûner malgré l’allaitement puisque ma puce de 3 mois et moi-même sommes en parfaite santé. Chez les musulmans, cette période de ramadan est un mois béni. Même si, dans l’islam, les femmes qui allaitent (tout comme les futures mamans, les personnes malades, âgées et les voyageurs) ont le droit de ne pas jeûner, je voulais essayer. Je me suis dit, si je n’y arrive pas, je m’abstiendrai.

En ce début de jeûne, il y a eu deux journées où j’ai dû manger parce que je me sentais fatiguée. De plus, mes montées de lait sont devenues très faibles. Ma fille avait tendance à s’énerver au sein, alors que cela n’était jamais arrivé depuis la naissance.

Pour y remédier, le matin, je mange des dattes, des fruits secs et, le soir, avant de dormir, je bois une tisane de fenouil et fenugrec. Depuis, je tiens toute la journée ! Je ne souhaite pas donner de biberons de complément et je continue l’allaitement à la demande.

Le plus difficile à gérer est de m’obliger à ne pas trop me dépenser, moi qui suis habituellement active. Je ne tiendrai pas sinon. Pour l’instant, mon corps a encore de l’énergie, mais si je ressens un quelconque changement chez moi ou chez Mayssa, je n’hésiterai pas du tout à rompre le jeûne, cela étant permis. Je ne mettrai pas ma santé ni celle de ma fille en danger. Enfin, il faut dire qu’en France, on ne souffre pas de malnutrition, notre corps a donc des réserves où puiser. »

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