"Je n'arrive pas à allaiter" : 10 causes et leurs solutions

Publié par Hélène Bour  |  Mis à jour le par Ysabelle Silly Carole Hervé, consultante en lactation IBCLC, auteure de "Mon allaitement sur mesure" aux Editions Albin Michel

Pas assez de lait, douleurs, bébé qui peine à bien téter, crainte du regard des autres... Allaiter n'est pas toujours une évidence ou un acte facile et intuitif. Voici les phrases les plus fréquemment entendues chez les jeunes mamans en “panne d'allaitement”, et nos conseils pour que ça marche

Si vous avez des difficultés pour allaiter votre bébé, ne vous ruez pas trop vite sur les préparations commerciales pour nourrissons. Sachez que les insuffisances primaires de lactation sont rares (1 à 2 % des femmes). Quand des facteurs physiologiques ou médicaux ont été éliminés, l'immense majorité des situations de manque de lait est due à l'inobservance de la règle d'or de la lactation : plus votre bébé tète, plus vous aurez de lait ! Laissez-le téter à la demande (nuits comprises) et vous verrez la lactation s'adapter rapidement à ses besoins. Et si sa demande est discrète, devancez-la !

Les difficultés d’allaitement les plus fréquentes

« Mon lait n'est pas assez riche. »

Heureusement, impossible. La composition de votre lait est « programmée » génétiquement pour nourrir votre enfant. Chez toutes les femmes, la composition du lait varie au cours de leur allaitement : le colostrum diffère ainsi du lait de transition et du lait mature. La proportion des nutriments est alors adaptée à la maturité et aux besoins du bébé. Elle varie également au cours de la tétée et si des circonstances extérieures l’imposent (la présence d’un virus de gastro-entérite, par exemple), le lait s’enrichit en anticorps spécifiques pour protéger le bébé. Petit à petit, ce lait change de composition (on parle de lait de transition puis de lait mature) pour rester incroyablement stable entre J15 et les 15 mois de votre bébé. De plus, votre lait est riche en anticorps, adapté aux microbes de votre environnement.

« J'ai trop de lait. »

Certaines femmes produisent beaucoup de lait en début d’allaitement et même plus quele bébé ne peut en consommer. Ce phénomène physiologique est généralement transitoire. La production de lait est amenée en effet à s’adapter aux besoins du nourrisson en quelques jours ou quelques semaines. Les mères remarquent par exemple qu’un seul sein suffit à rassasier leur bébé. Certaines mères cependant peuvent être sujettes à desengorgements parfois douloureux. Pour prévenir ces désagréments, il peut être bon de leur suggérer de veiller à garder les seins souples en tout temps soit en exprimant à la main du lait ou en utilisant un recueille-lait au cours de la tétée ou bien juste après si le sein est toujours tendu.

Les jeunes mamans peuvent également constater que leur lait gicle fort, et croire que c’est un problème. Si le bébé se montre submergé par le lait qui arrive, quelques astuces simples peuvent l’aider à gérer cette abondance. De nombreuses mères ont trouvé que des positions qui amènent leur bébé à avoir la tête libre au-dessus du sein, les aidaient considérablement. Le bébé peut plus facilement gérer le débit du lait. Il est capable de se retirer s’il est dérangé, il peut faire des rots parfois même dans cette position. Certains bébés qui se débrouillaient bien avec le colostrum sont soudain submergés et dépassés au moment de la montée de lait : ils toussent, s'étranglent et peuvent refuser ce qui, pour eux, est devenu une expérience désagréable. Quelques mesures simples suffisent pour arranger les choses, comme le fait de donner le même sein plusieurs tétées de suite pour diminuer la production de lait, ou de changer de position d'allaitement pour que le lait sorte moins fort (en utilisant la gravité). Il est bon de veiller à ne mettre ces actions en place qu’à la condition que la sécrétion lactée soit bien installée, et en vérifiant régulièrement que le bébé prend du poids de façon harmonieuse. Si toutefois la prise de poids venait à ralentir, on revient à alterner les deux seins lors de la tétée.

« Mon bébé ne sait pas téter mon sein. »

Votre enfant est né un peu en avance, il a un ictère, il est trop faible pour téter. Ou bien il s'y prend mal, n'arrive pas à saisir le mamelon. Pas de panique. Il est normal pour lui de ne pas téter correctement pendant les quelques jours qui suivent sa naissance. Tout comme vous, il est en apprentissage. La priorité dans ce cas de figure consiste à le nourrir de quelque façon que ce soit et à installer à sa place une bonne sécrétion lactée. En attendant qu'il fasse des progrès, tirez votre lait et donnez-le (ou faites-le donner, si vous êtes séparée de votre bébé). Utilisez plutôt si possible une cuillère, une seringue, une pipette ou une tasse, un DAL* au doigt gobelet. Une astuce aussi : lui offrir le sein alors qu’il est seulement somnolent. Il va vous étonner en se mettant à téter par réflexe.
* dispositif d’aide à la lactation qui consiste à placer une petite sonde dans un flacon contenant du lait, de donner le doigt à téter au bébé et à la glisser dans sa bouche au même moment.

« Mon bébé refuse de téter. »

D'abord, essayez de rechercher la cause de cette « grève ». A-t-il été perturbé pendant l'accouchement ou dans les moments qui ont suivi ? Avez-vous mis sur votre sein un produit dont le goût ou l'odeur pourrait le gêner ? Si vous avez introduit des biberons, peut-être a-t-il développé une préférence de débit ? S'il refuse un seul sein, c'est sans doute qu'il ne s'y sent pas bien , il se pourrait aussi qu’il ressente une gêne (ex. : narine bouchée) ou une douleur (ex. : otite, hernie, reflux gastro-œsophagien etc.). Un bébé qui peine à téter un sein alors qu’il prend l’autre sans difficulté peut nous signaler à cette occasion qu’il ressent des tensions cervicales. Si la cause est identifiée, supprimez-la. Cette situation est riche en émotions pour tout le monde. Il peut être utile de se faire aider pour identifier la cause : une consultante en lactation est généralement qualifiée pour évaluer ce qui bloque. Un thérapeute manuel (kinésithérapeute, ostéopathe chiropracteur) peut également lever certaines tensions. Essayez, en outre, d'allaiter bébé dans une autre position ou dans un autre environnement (dans le bain, notamment), favorisez le contact peau à peau... La plupart des 'grèves' de tétées se résolvent en deux à 15 jours.

« J'ai trop mal. »

Vos seins sont durs, chauds et douloureux, les veines sont apparentes, vous redoutez la tétée et on vous comprend ! Vous souffrez probablement d’un engorgement. Il est bon que l’on vous aide à l’endiguer rapidement car une fois installé, il peut faire baisser votre sécrétion lactée. En outre, il peut dégénérer et devenir une mastite. Aux symptômes initiaux s’ajoute alors un placard rouge sur le sein et de la fièvre. La mastite doit être endiguée rapidement. Si elle est d’emblée aiguë ou bien que la fièvre ne diminue pas après 24 heures d’une conduite d’allaitement optimisée avec application de chaleur locale et augmentation de la fréquence des tétées, il est prudent d’en référer à un médecin qui vous prescrira peut-être un antibiotique. Bien que très douloureuse, cette complication se soigne très bien, une amélioration des symptômes est attendue sous 24 heures et, sauf avis médical, il n'y a pas de raison d'arrêter l'allaitement.

« J'ai des crevasses. »

Symptômes : les mamelons sont douloureux, rouges et parfois à vif. Érosions et crevasses sont essentiellement provoquées par une malposition du bébé ou une prise du sein incorrecte. De nombreuses mères ont remarqué une nette amélioration en imbibant une compresse avec leur lait, en la plaçant sur le sein et en la maintenant en place au moyen de film alimentaire qu’elles changent toutes les deux heures. Si des lésions persistent et ne partent pas, il est bon de demander l’avis d’un spécialiste. Les crevasses sont un motif couramment évoqué d’abandon de l’allaitement

« Je n'y arrive pas car j'ai eu une césarienne. »

On relève généralement deux types de douleurs caractéristiques chez les mères qui allaitent après une césarienne : les douleurs dues aux suites de l'opération (ex. : cicatrice) et celles dues aux contractions utérines provoquées par les tétées. La prise d'analgésiques compatibles avec l'allaitement vous soulagera. Au début néanmoins, vous chercherez une position confortable et qui évite que votre bébé frôle ou tape avec ses petits pieds sur la cicatrice. Veillez à vous installer de sorte que votre dos soit bien calé sur un fauteuil, un canapé ou un oreiller si vous êtes dans votre lit. Amenez votre bébé « à la bonne adresse» à savoir sur votre sein et cherchez à orienter son corps de telle sorte qu’il ne touche pas la cicatrice et qu’il soit en contact ventral continu soit contre votre corps, soit sur un coussin juste à côté de vous. Prenez patience : ces douleurs devraient s'estomper en quelques jours.

« Je n'aime pas le regard des autres. »

Sitôt que vous êtes amenée à donner le sein en présence de tiers ou d'inconnus, vous perdez vos moyens... Pourtant, il est possible d'allaiter discrètement en public. Vous pouvez porter votre enfant en écharpe : il pourra y téter sans que personne ne le sache ! Vous pouvez aussi couvrir vos épaules d'un large foulard ou d'un châle qui vous préservera des regards indiscrets. Préférez tee-shirts ou pulls qui se relèvent facilement aux corsages qui se déboutonnent. Vous pouvez aussi investir dans des vêtements d'allaitement, au rabat conçu juste pour sortir le sein. Agissez naturellement : c'est en multipliant les gestes furtifs qu'on attire l'attention. Et dans les magasins, pensez aux cabines d'essayage pour allaiter tranquillement.

« J'ai les mamelons plats ou ombiliqués. »

Beaucoup de femmes pensent ne pas pouvoir allaiter en raison de mamelons plats ou légèrement rétractés au repos. En fait, leurs mamelons sont, dans la plupart des cas, parfaitement aptes à s'allonger lorsqu'ils sont stimulés. Même lorsque le bout de sein n'est pas saillant, un bébé ouvrant bien la bouche arrive à téter une aréole souple. Il lui faut juste parfois un peu plus de temps pour trouver la bonne technique... Un truc pour faire pointer le mamelon : juste avant la tétée, faites-le ressortir avec l'aide d'un tire-lait ou d'une seringue inversée.

En vidéo : J'ai réduit ou arrêté mon allaitement, puis-je recommencer ?

Sujets associés